L’élec­tri­cité est palpable dès les premières scènes, chez la juge, presque crain­tive. Cons­trui­sant d’abord son film à travers le regard de l’en­fant peu à peu terro­risé par le retour poten­tiel de la violence du père, Xavier Legrand (lire notre entre­tien avec le réali­sa­teur) installe d’en­trée de jeu un climat propice à la terreur fami­liale. Il reven­dique un « thril­ler conju­gal », genre assez inédit dans le cinéma français, mais le fait avec une éthique docu­men­taire admi­rable : pas de musique sensa­tion­nelle, chaque person­nage existe, et la montée de la tension saisit par des détails sonores ou visuels. Sans conces­sion, il n’es­saie pas de faire du père (formi­dable Denis Méno­chet) autre chose qu’une brute épaisse dont on redoute, comme l’en­fant, même le temps d’une caresse, l’ir­rup­tion de la violence à chaque instant. Il ne le cari­ca­ture surtout pas pour autant : on lit toute sa dépen­dance affec­tive, comme cette façon digne des grands pervers narcis­siques d’uti­li­ser des argu­ments légi­times en tant que père de famille pour se remettre au centre du jeu.

Le coeur qui cogne

Diffi­culté de la justice pour arbi­trer des cas drama­tiques , emprise fami­liale (très beau person­nage de la sœur qui comprend mais tente de construire sa vie), le point de vue bascule peu à peu de l’en­fant à l’ex-femme (Léa Drucker, à qui le rôle valut le César), pour abou­tir au retour de la terreur en actes, glaçante. On reste sonné comme le très beau person­nage de la voisine, ni héroïque, ni lâche, un peu honteuse, qui appelle les secours au cas où, esto­maquée, comme nous. Xavier Legrand vient d’in­ven­ter une forme de thril­ler docu­men­taire, aussi fidèle à la réalité des situa­tions qu’il décrit qu’ad­mi­ra­ble­ment construit pour faire monter la tension. Magis­tral.

Jusqu’à la garde de Xavier Legrand (Fr, 1h33) avec Thomas Gioria, Denis Méro­chet, Léa Drucker, Jean-Marie Winling… Mercredi à 21h10 sur France 2 puis en replay sur France TV.