Sa fine mous­tache dessi­née comme au crayon à cils, John Waters a toujours été dandy. Un améri­cain provin­cial à l’ex­cen­tri­cité toute britan­nique, fidèle à sa petite ville de Balti­more. Un dandy trash aussi, affu­blé à la grande époque des doux surnoms de « Pope of trash » (le Pape du mauvais goût) ou « Prince of puke » (prince du vomi). Et du vomi, il en a provoqué, arri­vant au cinéma en parfait amateur par la porte du gore en réali­sant des films trashy-comiques, premiers films qu’il s’amu­sera plus tard à recons­ti­tuer dans Cecil B. Demen­ted (projeté cette année pour les 10 ans d’Ecrans mixtes. Avec un bon sens frappé au coin du mauvais esprit, il décla­rera : « Pour moi, le mauvais goût, c’est l’objet du diver­tis­se­ment. Si quelqu’un vomit en regar­dant mes films, c’est comme rece­voir une stan­ding ovation.  »

Comé­die musi­cale et rocka­billy

Après Pink Flamin­gos, son premier long en 1972, ile trouve le mythique travesti Divine dans pratique­ment tous ses films jusqu’à Hairs­pray en 1988, sympa­thique comé­die musi­cale anti-raciste. Maître de la mode, vintage avant l’heure, écou­tant les musiques des radios black en bon blanc dissi­dent, Waters se tour­nera vers le musi­cal au cinéma avant tout le monde Cry Baby en 1990 va lui permettre de relier tous les fils de son inspi­ra­tion : la musique, l’hu­mour noir, la satire sociale et… l’amour des gros seins ! Tordant, scabreux, malin, dégoû­tant, déli­cieux, Cry Baby est le film le mieux rythmé de l’his­toire du cinéma, et la seule comé­die musi­cale à ce jour réali­sée sur fond de Rocka­billy. Johnny Depp y incarne un blou­son noir à la larme incon­ti­nente dans un remake trash des Capu­lets et Montai­gus, tandis qu’Iggy Pop, William Defoe, Joe Dales­san­dro, Charles Bukowski ou l’ac­trice porno Tracy Lords passent dans le champ dans des séquences haute­ment cultis­simes.

Anti-confor­misme tranquille

Intel­li­gem­ment poli­tique, plutôt que de jouer la suren­chère dans le trash, John Waters aura vite compris que la contre-culture avait été récu­pé­rée par l’in­dus­trie holly­woo­dienne. Plutôt que de se cari­ca­tu­rer lui-même, il va prendre un virage en appa­rence moins provoquant mais tout aussi anti-confor­miste. L’ir­ré­sis­tible Serial Mother avec une Kath­leen Turner toujours prête à payer de sa personne, est un détour­ne­ment de l’Ameri­can way of life et de ses préten­dues valeurs morales vers ce à quoi elles conduisent : le meurtre de tout ce qui ne lui ressemble pas. Une bonne mère de famille catho­lique va tuer tout ce qui lui déplaît… avant d’être inno­cen­tée à son procès en reven­diquant d’être « normale, aussi normale que vous tous ». Autour de quatre films et une master-class, il nous reste plus qu’à faire sa fête à ce mauvais esprit qui s’est efforcé de toujours frisé le bon goût sans jamais y tomber. L.H.

10e édition du festi­val Ecrans mixtes

Rétros­pec­tive John Waters

Cecil B. Demen­ted (2000), avec Mela­nie Grif­fith. Jeudi 12 mars à 16h au Lumière Terreaux, Lyon 1er.

Polyes­ter (1981) avec Divine. Mercredi 11 mars à 18h30 au Comoe­dia, Lyon 7e.

Cry Baby (1990) avec Johnny Depp, Iggy Pop, Willem Dafoe… Mercredi 11 mars à 20h30 au Comoe­dia, Lyon 7e. Voir la bande-annonce << ici >>.

Serial Mother (1994) avec Kath­leen Turner… Jeudi 12 mars à 20h45 pour la séance de clôture au Pathé Belle­cour, Lyon 2, en présence de John Waters.

Master Class John Waters, animée par la réali­sa­trice Marie Losier. Jeudi 12 mars à 18h15 au Grand Amphi­théâtre de l’uni­ver­sité Lumière Lyon 2, campus Berges du Rhône, Lyon 7.