Il fallait bien une actrice de la trempe d’une Karin Viard pour jouer la nounou infan­ti­cide de Chan­son douce, l’adap­ta­tion sur grand écran du livre éponyme de Leïla Slimani. Jamais aussi bonne que dans ses rôles les plus noirs (comme dans Les Chatouilles d’Andrea Bescond, où elle nous avait épous­tou­flés en mauvaise mère cynique, refu­sant la souf­france de sa fille abusée durant son enfance), la comé­dienne excelle ici dans la peau d’une nour­rice border­line, aimant les deux enfants dont elle a la charge jusqu’à la folie.

Karin Viard mons­trueuse

Avec son jeu très physique, elle rend palpable la névrose de son person­nage, Louise, même quand celle-ci est réser­vée et timide, avant de la faire explo­ser dans les scènes de jeux avec les enfants où elle devient carré­ment déran­geante à force d’être régres­sive (on vous lais­sera décou­vrir l’uti­li­sa­tion pour adulte du pot). Car contrai­re­ment aux petits, Louise ne joue pas, elle ne fait pas semblant, elle brouille les règles. Comme lorsqu’elle se trans­forme en lionne prête à dévo­rer le bébé…

Chan­son douce, un bon thril­ler à la française

Le film joue constam­ment avec cette tension : Louise appa­raît tour à tour comme folle ou aimante, et le malaise qui en résulte, appuyé par la mise en scène alter­nant réalisme et onirisme, est d’au­tant plus déran­geant que l’on connaît l’is­sue de l’his­toire. En contre-point, Lucie Borle­teau, la réali­sa­trice, fait affleu­rer de possibles expli­ca­tions au geste de la nounou, comme cette diffé­rence de classe avec ses employeurs, arché­types des bobos pari­siens, souli­gné lorsque Louise est invi­tée à parta­ger un repas entre amis ou les vacances fami­liales.

Comme le livre, le film est d’au­tant plus trou­blant qu’il avance en fourbe, dans une fausse neutra­lité brisée par des détails sordides, rendant sa critique d’une certaine vision moderne du couple d’au­tant plus acerbe. Le trans­fert pervers de cette nounou un peu trop seule vers les enfants devient carré­ment étouf­fant, jusqu’à bascu­ler dans une forme de fantas­tique psychique. Un thril­ler à la française comme on n’en voit pas souvent. C.S.

Chan­son douce de Lucie Borle­teau (2019, Fr, 1h40) avec Karin Viard, Leïla Bekhti, Antoine Reinartz… Lundi 11 septembre à 21h10 et en replay gratuit sur France 3.