C’était la première bonne nouvelle après la réou­ver­ture des librai­ries : les ciné­mas vont bien rouvrir à partir du 22 juin, même si on ne connaît pas encore les condi­tions exactes de précau­tion sani­taire, et les sorties de films en juillet atteignent presque un rythme hebdo­ma­daire de sorties normal (une bonne dizaine de films sont annon­cés chaque mercredi), même si dans la réalité beau­coup d’in­con­nues subsistent. Ce sera passion­nant à obser­ver de plus près, mais risquons-nous à dessi­ner plusieurs enjeux.

Pleins feux sur l’art et essai

C’était déjà une tendance de 2019, bien avant la crise du Covid : le boom des ciné­mas de proxi­mité art et essai (+20% pour les ciné­mas Lumière). Nul doute que ce soit le public ciné­phile, presque mili­tant, qui retourne d’abord dans les salles obscures, et plutôt deux fois qu’une, favo­ri­sant a priori « petits » films et « petites salles ». D’au­tant qu’à part Mulan de Disney en version live fin juillet, ce sont très majo­ri­tai­re­ment les films art et essai, notam­ment français avec le dernier François Ozon, Eté 85, très auto­bio­gra­phique, qui vont trus­ter les écrans. Avec un problème de taille : contrai­re­ment à une idée reçue oppo­sant « petites salles » et « multi­plexes », les distri­bu­teurs ont toujours sortis aussi leurs films art et essai, même les plus poin­tus, dans les multi­plexes, pour donner une visi­bi­lité maxi­male à leurs sorties natio­nales. Or les multi­plexes ont des coûts fixes beau­coup plus impor­tants, des salles plus grandes, du person­nel et de la confi­se­rie qui compose une part impor­tante de son chiffre d’af­faire, avoi­si­nant souvent les 40%, mais pas fran­che­ment Covid-compa­ti­bles… Tenet et Mulan ne suffi­ront sans doute à atti­rer à eux seuls un très grand public, pas plus que les films d’au­teur français… Reste un atout de taille : un multi­plexe peut proje­ter faci­le­ment un film dans deux salles diffé­rentes, ce qui pour­rait s’avé­rer on ne peut plus pratique lorsqu’il s’agit d’es­pa­cer les fauteuils entre les spec­ta­teurs pour respec­ter la distan­cia­tion socia­le… Tout comme les cartes illi­mi­tées poussent à la consom­ma­tion de plusieurs films qu’on ne serait peut-être pas aller voir en payant au coup par coup… Bref, il faudra regar­der à la loupe et le compor­te­ment du grand public (mamie vien­dra-t-elle avec son petit fils voir la dernier Disney comme avant?), et quelles seront les condi­tions sani­taires dictées par le gouver­ne­ment in fine fin juin, sachant qu’elles ont déjà été consi­dé­ra­ble­ment assou­plies par rapport à il y a seule­ment quelques semai­nes…

Salles et plate­formes : vers un rappro­che­ment ?

Grand patron du groupe Pathé, Jérôme Seydoux avait donné quelques pistes d’ave­nir au moment du confi­ne­ment, évoquant notam­ment un futur « accord avec les plate­formes ». Pathé a toujours été inno­vant et , même si ce n’est pas forcé­ment pour juillet, on peut imagi­ner dans pas long­temps qu’a­près les retrans­mis­sions de grands concerts, d’opé­ras ou d’évé­ne­ments spor­tifs, les salles Pathé soient aussi diffu­seurs par exemple de séries cultes sur grand écran, ou de grands événe­ments comme Cannes, qui vient de dévoi­ler une sélec­tion offi­cielle de 50 films orphe­lins, le festi­val ayant été comme les autres annulé. Voir des films ou des séries en exclu­si­vité sur grand écran pour­raient consti­tuer une attrac­tion non négli­geable pour des publics diffé­rents. Mais le domaine qui pour­rait tirer la meilleure épingle de ce jeu de reprise à tâtons pour­rait bien être celui du patri­moine : au moment où les nouveau­tés ne courent plus les écrans, les grands clas­siques pour­raient être un refuge idéal, à commen­cer par la salle de l’Ins­ti­tut Lumière : espa­cée, aérée (c’est une des rares salles de cinéma qui s’ouvrent direc­te­ment sur l’ex­té­rieur), la salle du hangar serait l’écrin idéal de la reprise ciné­ma­to­gra­phique. Un beau symbole après avoir été celle du premier film… L’été pour­rait donc être celui d’une reprise cruciale même si a minima en se recen­trant sur le cœur ciné­phile du septième art… en atten­dant la rentrée et le festi­val Lumière ! À suivre…

Quelques films atten­dus pour juillet :

Les Parfums de Grégory Magne avec Emma­nuelle Devos (le 1er juillet). Lire notre entre­tien avec Emma­nuelle Devos << ici >>.

Eté 85 de François Ozon (le 8 juillet). Voir la bande-annonce << ici >>.

Mulan de Niki Caro (le 22 juillet). Voir la bande-annonce << >>.