Ce docu­men­taire de 2020 Sébas­tien Lifshitz ressemble à un pari un peu fou : conden­ser en deux heures les cinq années durant lesquelles il s’est incrusté dans le quoti­dien de deux adoles­centes, pour en garder la substan­ti­fique moelle. En résulte un docu­men­taire épuré et déli­cat, sans commen­taires ni prise de parole face caméra, qui nous plonge dans la vie quoti­dienne, à l’école et à la maison, de deux ados d’aujourd’­hui aux tempé­ra­ments diamé­tra­le­ment oppo­sés : la fantasque Anaïs, aussi effron­tée que séduc­trice, et Emma, plus réser­vée, qui traîne avec elle une douce mélan­co­lie.

Cadrant au plus près chaque jeune fille à mesure qu’a­vance le film et qu’il gagne leur confiance, Sébas­tien Lifshitz construit son docu­men­taire à coup d’el­lipses tempo­relles pour mieux saisir le passage du temps et dire l’es­sen­tiel de ces années où l’on se construit. Alors que le montage, intel­li­gent et sensible, révèle toute la drôle­rie des deux ados que le réali­sa­teur filme toujours avec tendresse.

Adoles­centes et chro­nique sociale

Mais au-delà de ces deux portraits, Adoles­centes ressemble surtout à une chro­nique sociale : comme dans ses précé­dents docu­men­taires, Lifshitz mêle l’in­time au poli­tique. D’em­blée les jeunes filles sont filmées au sein de leurs milieux fami­liaux, tota­le­ment oppo­sés, et on comprend à quel point cela va peser sur leur choix d’orien­ta­tion, notam­ment pour Anaïs dont la vie dépasse la fiction et qui nous bluffe par sa vita­lité et sa prise de matu­rité. C’est toute la réus­site de ce docu­men­taire, qui tient autant à son point de vue de réali­sa­tion qu’à ses deux prota­go­nistes touchantes, auxquelles on finit par s’at­ta­cher, comme si on faisait partie de leur entou­rage.

Adoles­centes. Docu­men­taire de Sébas­tien Lifshitz (2020, Fr, 2h15). Dans le cadre de la rétros­pec­tive du festi­val Ecrans mixtes.