Jamais là où on l’at­tend, après être allé tourné dans le bayou de la Loui­siane Dans la brume élec­trique, le dernier film de Bertrand Taver­nier était une comé­die poli­tique comme on n’en fait peu, retrou­vant la trucu­lence de Coup de Torchon, mais appliquée cette fois au milieu on ne peut plus pari­sien et sclé­rosé des cabi­nets du Quai d’Or­say. Adap­tant la BD de Chris­tophe Blain et Abel Lanzac, ancien « nègre » de ce haut lieu de la diplo­ma­tie française, Taver­nier se glisse dans les coulisses pour croquer la jungle minis­té­rielle et un certain Domi­nique de Ville­pin. Comme parfois chez lui, le discours est ici et là un peu trop appuyé, du didac­tisme des Frag­ments d’Hé­ra­clite érigés en chapitres tout au long du film aux “effets BD” visuels, des split-screens au brui­tage de porte au passage de la tornade de ministre. Mais en fin obser­va­teur, le réali­sa­teur lyon­nais parvient à faire de ce “salmi­gon­dis de tech­no­crates” une comé­die langa­gière trucu­lente , festi­val de bons mots, de mauvaise foi, de fausses vulga­ri­tés et de vrai labeur sous les dorures.

Thierry Lher­mitte parfait en Domi­nique de Ville­pin.

Casting parfait (Taver­nier choi­sis­sait lui-même ses acteurs, sans agence de casting), Lher­mitte est au bord du sur-jeu sans jamais y tomber, comme son modèle, mais c’est Nils Ares­trup en sphinx bureau­crate qui rend toute l’âme de cette ruche humaine, luttant pour et contre la folie d’un homme. Fou, Ville­pin, mais pas con… Surtout pas déma­gogue, le film abou­tit au célèbre discours de l’ONU dans un bel effet de réel en forme d’hom­mage aux petites mains anonymes de cette ruche insen­sée qu’est la diplo­ma­tie française. Une satire mordante en forme d’ex­cellent diver­tis­se­ment qui clôt (pour la partie fiction) une filmo­gra­phie de près de 50 ans, dans un grand éclat de rire comme il en avait souvent lui-même. « Abso­lu­ment formi­daaable ! »

Quai d’Or­say (2013, Fr, 1h54) avec Thierry Lher­mitte, Niels Ares­trup, Julie Gayet, Raphaël Person­naz, Anaïs Demous­tier… Dimanche 28 mars à 21h sur France 2. Voir aussi nos films préfé­rés de Taver­nier sur Netflix << ici >>.