
Avec Illusions perdues, Balzac voulait écrire une œuvre totale. En l’adaptant au cinéma, Xavier Giannoli en fait un spectacle total au rythme soutenu, traversant la bonne société parisienne du XIXe siècle, où un geste peut vous perdre.
Il y a d’abord ce souffle romanesque qui traverse le film, depuis les salons des nobliaux de province où tout semble figé dans l’ennui jusqu’aux rues et salles de spectacle d’un Paris en constante ébullition. On suit Lucien de Rubempré, jeune poète naïf monté à la capitale pour devenir un grand écrivain, Icare des temps modernes qui va se brûler les ailes au contact de l’argent et de la haute société. Devenu journaliste pour un canard distribuant critiques élogieuses ou assassines au rythme des pots de vin, il est pris dans ce tourbillon qu’est la naissance de notre société moderne et du capitalisme, machine infernale qui emporte tout sur son passage, transformant le destin de Lucien en tragédie sans que rien ne puisse l’arrêter. La trajectoire malheureuse du personnage est indissociable d’une époque, et l’adaptation de Giannoli reste fidèle aux grands thèmes qui traversent l’œuvre de Balzac, comme la naissance de la publicité et de la presse moderne.

Paris est une fête
Amour, trahison, idéaux et peinture sociale, cette grande fresque est servie par une mise en scène luxuriante au milieu de laquelle chaque comédien trouve sa place. Benjamin Voisin est lumineux et sensuel dans le rôle du poète malmené, alors que Vincent Lacoste apporte toute sa modernité et sa nonchalance à son personnage de rédacteur en chef vendu. Tandis que Cécile de France (aussi à l’affiche de De son vivant d’Emmanuelle Bercot) semble sur le point de se briser à chaque instant. Du grand spectacle pendant lequel on ne s’ennuie pas une seule seconde, malgré les 2h30 que dure le film. Et rassurez-vous, on n’a pas touché un seul pot de vin pour écrire ces lignes.
Illusions perdues, de Xavier Giannoli (France, 2h30). Avec Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Gérard Depardieu, Jeanne Balibar, André Marcon… Sortie le 20 octobre.
Lire aussi notre entretien avec Xavier Giannoli dans le numéro de novembre d’Exit Mag.
