Patrice Leconte avait déjà adapté Georges Sime­non dans Monsieur Hire, un de ses plus beaux films – si ce n’est le plus beau – avec Michel Blanc en figure soli­taire. Cette fois, il s’at­taque au plus mythique des soli­taires de l’au­teur, le commis­saire Maigret, pour tour­ner pour la première fois avec Gérard Depar­dieu. Sa silhouette pachy­der­mique planquée sous son « armure » – son chapeau et sa montagne de manteau – Depar­dieu ne « joue » plus, il ne « fait qu’é­cou­ter« , crépus­cu­laire, la voix fêlée avec parfois même de la peine à marcher, plai­san­tant simple­ment sur le « pop pop » de la pipe qu’il n’a plus le droit de fumer.

Le dernier rôle d’An­dré Wilms au cinéma face à Gérard Depar­dieu (photo Pascal Chan­tier).

Le rôle se confond en perma­nence avec l’ac­teur, et dans une des scènes les plus émou­vantes du film, André Wilms – déjà dans Monsieur Hire et ici dans son dernier rôle – avouera ce qu’est la dévas­ta­tion de « perdre un enfant » sous le regard de Depar­dieu qui se conten­tera d’ac­quies­cer. Pudeur…

L’art du cadre selon Patrice Leconte (photos Pascal Chan­tier).

Patrice Leconte, l’art de la mise en scène

Pas sûr que la rencontre entre Depar­dieu et Maigret ait vrai­ment lieu tant l’ac­teur prend désor­mais toute la place – au propre comme au figuré – mais si ce Maigret est réussi, c’est d’abord grâce à l’art de la mise en scène de Patrice Leconte. Hommage aux petite gens de province venues de Romans-sur-Isère (à côté d’où il habite), aux acteurs de seconds rôles tous plus soignés les uns que les autres pour défi­ler devant le grand Gégé (avec Hervé Pierre et Aurore Clément en guest-stars privi­lé­giées), Leconte joue en perma­nence des décors d’époque (les années 30), de l’es­pace et du cadre jusqu’à « l’ap­pa­ri­tion » finale et mettre en scène Maigret au ciné­ma…

Hommage aux acteurs et au septième art, ce Maigret et la jeune morte (le titre du livre) est tout sauf pares­seux : dans une mise en scène mobile sans le moindre gras (1h29, bonheur), Leconte n’ou­blie jamais le fil d’une véri­table intrigue, sur fond d’ho­mo­sexua­lité clan­des­tine et de scan­dale fami­lial à la Chabrol. Un vrai bon polar de la part d’un réali­sa­teur qu’on est heureux de retrou­ver à son meilleur, dans un film sans doute plus person­nel qu’il n’y paraît. Chapeau.

Maigret de Patrice Leconte (Fr, 1h29) avec Gérard Depar­dieu, Jade Labeste, Méla­nie Bernier, Aurore Clément, Hervé Pierre, André Wilms, Eliza­beth Bour­gi­ne…

Patrice Leconte sur le tour­nage de son Maigret.