Le cinéma social de Stéphane Brizé n’en finit plus de faire des petits. Après le beau succès de son dernier opus, Un Autre Monde, qui ne nous avait pas complè­te­ment convaincu, et la sortie du brûlot anti-lobbies Goliath, voici donc la galère d’une femme de chambre d’un palace pari­sien qui doit élever seule ses deux enfants en banlieue et faire face aux grèves (des trains, du métro et des bus). Alors qu’elle est sur le point de décro­cher un entre­tien pour une embauche qui pour­rait lui sauver la vie. On ne vous racon­tera pas la suite, mais la compa­rai­son s’ar­rête là. Car après Crash test Aglaé, son premier film origi­nal mêlant social et burlesque graphique (déjà un portrait de femme), Eric Gravel opte ici pour une forme radi­cale, épurée hors de toute psycho­lo­gie, mono­li­thique, nerveuse, suivant son héroïne à courir partout caméra à l’épaule, sur une musique elec­tro répé­ti­tive un peu trop enva­his­sante dans la première partie. C’est juste­ment quand on a eu peur que le film s’en­ferme dans une sorte de Loi du marché éner­vée et fémi­nine, à la recherche de son job dans un quoti­dien en pleine galère, qu’E­ric Gravel sait créer une pause fami­liale bien­ve­nue, et la rencontre inci­dente avec un black, jeune retraité mili­tai­re…

Laure Calamy, toujours la meilleure actrice du cinéma français

On ne vous racon­tera pas plus ce qu’il en advient, mais une chose est sûre : si après avoir été seule avec son âne dans Antoi­nette dans les Cévennes, Laure Calamy ne va peut-être pas se spécia­li­ser dans les héroïnes soli­taires à chaque film (elle était d’ailleurs merveilleuse en second rôle dans Made­moi­selle de Joncquières), elle n’a pas volé son César de la meilleure actrice. Aussi à l’aise pour sortir le Karcher dans une chambre de son palace emmer­dée par un chan­teur de rock écos­sais, que pour tenir la dragée haute lors d’un entre­tien d’em­bauche, elle se fond à chaque instant avec son person­nage de Julie s’ac­com­mo­dant sans cesse d’une réalité litté­ra­le­ment à bout de course, la spon­ta­néité au bord des larmes. Jusqu’à un plan final dans lequel se ramasse tout le film comme un exutoire au bout de ces 1h27 de course fréné­tique.

A plein temps d’Eric Gravel (Fr, 1h27) avec Laure Calamy, Anne Suarez, Gene­viève Mnich, Cyril Gueï, Lucie Gallo… Sortie le 16 mars.