Rares sont les films qui parviennent à nous immer­ger dans un univers profes­sion­nel sans se réfu­gier dans un natu­ra­lisme pseudo-docu­men­taire ni instru­men­ta­li­ser ses person­nages pour tenir un discours pré-digéré. Le petit paysan du titre c’est Pierre, jeune éleveur de vaches laitières qui gère seul l’ex­ploi­ta­tion fami­liale que ses parents lui ont confiée. Atta­ché de façon obses­sion­nelle à son trou­peau, il commence à déve­lop­per une forme de para­noïa en appre­nant qu’une mala­die semble se répandre en Europe, obli­geant à des abat­tages systé­ma­tiques. Il va en venir aux pires extré­mi­tés…

La décou­verte de Swann Arlaud

Dès la première scène, à l’oni­risme trou­blant, le film installe un climat oppres­sant, à la lisière du fantas­tique. Issu du milieu qu’il décrit, Hubert Charuel filme avec préci­sion les gestes et diffi­cul­tés de ce quoti­dien, mais sans jamais se tenir au simple constat socio­lo­gique. Le récit tient sur une ligne de crête assez mira­cu­leuse entre réalisme et thril­ler quasi-horri­fique. Car Petit paysan est aussi le portrait d’un homme border­line, incarné par l’éton­nant Swann Arlaud qu’on décou­vrait alors, bouffé de l’in­té­rieur par sa soli­tude abso­lue, celle de son métier mais aussi celle qu’il s’im­pose. Hubert Charuel tient parfai­te­ment un propos sur le monde paysan, assez déses­péré, qui passe avant tout par une mise en scène à la beauté nocturne et la perti­nence d’un casting qui confronte comé­diens amateurs et profes­sion­nels. La fin d’un monde filmé comme une fin du monde : on tient un des plus beaux premiers films français de ces dernières années. A.L.

Petit paysan de Hubert Charuel (2017, Fr, 1h30) avec Swann Arlaud, Sara Girau­deau, Bouli Lanners… En replay jusqu’au 26 mai sur France TV.