Le meilleur film de Baz Luhr­mann. Le meilleur rôle de Tom Hanks. La révé­la­tion d’Aus­tin Buster en Elvis Pres­ley. Un grand film.

Dès le logo Warner pailleté de bijoux en ouver­ture du géné­rique, on se dit que ça va être grand. Welcome to Las Vegas, ça commence à 300 à l’heure avec une caméra plus virtuose et plus mobile que chez Scor­sese. Scènes de gospel et de musique black conta­gieuses dans les bouges de Memphis au “Beale street style”, on assiste à l’as­cen­sion du King blanc qui se met à s’agi­ter quand, la veste rose poudré et le make-up girly, on commence à la prendre pour un effé­miné.

Scène de musique black à Beale Street dans Elvis de Baz Luhrmann.
Un bar de Beale street dans Elvis.

La fureur de vivre

Le jeté de petites culottes sur scène n’aura pas besoin d’at­tendre long­temps avec des femmes en extase qui découvrent la jouis­sance du lâcher prise dans l’Amé­rique puri­taine des sixties. La première réus­site de cet Elvis, c’est de faire de son héros sulfu­reux le héros de la jeunesse d’aujourd’­hui grâce à son génie de la mise en scène (géniale séquence sur le rap d’Eminem, parfai­te­ment inté­grée au propos). A ses thèmes-miroirs aussi (rébel­lion, addic­tion, auto­des­truc­tion), pour racon­ter l’as­cen­sion et la chute du King par celui qui a été juste­ment accusé de les provoquer : le vrai-faux colo­nel Parker, mana­ger “roi de l’en­tour­loupe”, campé par un Tom Hanks mécon­nais­sable avec son double menton, son crâne rasé et sa voix (off) de pervers poly­morphe, paran­gon de son époque.

Austin Butler en Elvis Presley à Las Vegas.
Austin Butler en Elvis Pres­ley à Las Vegas.
Elvis Presley sur scène.
Austin Butler sur scène (en chan­tant lui-même).
Austin Butler en costume rose pour la prepière apparition d'Elvis Presley.
Les hordes de fans s’ar­rachent Elvis.

Mort et résur­rec­tion de la pop culture

Car à travers l’his­toire de la musique (B.B. King, James Brown ou les Jack­son) et celle des médias (de Holly­wood à la télé­vi­sion en un seul plan), c’est bien celle de l’Amé­rique et de ses ambi­va­lences que raconte Baz Luhr­mann à travers celui qui fut tout à la fois le créa­teur et le bour­reau d’El­vis (génial Austin Butler, bombe sexuelle puis bombe tout court). Luxure, place aux mino­ri­tés, affron­te­ments avec la police, la séquence de “Vous cher­chez les embrouilles ?” dit tout de la dimen­sion poli­tique d’El­vis sous le pantin pop qui affo­lait les filles.

La première apparition d'Elvis Presley sur scène.
La première appa­ri­tion d’El­vis Pres­ley sur scène, en costume rose poudré.

Au sommet de son art, entre vertige colo­risé à Las Vegas, noir et blanc surex pour évoquer le rêve d’ac­teur holly­woo­dien, split-screen d’images d’ar­chives et scènes de concert filmées comme une comé­die musi­cale en soli­taire, Baz Lurh­mann réus­sit à nous faire ressen­tir jusqu’au virage person­nel du King après l’as­sas­si­nat de Kennedy (et celui de Sharon Tate). En termi­nant sur un mélo poignant le temps d’une dernière chan­son à bout de force, bien réelle celle-là (la plupart sont inter­pré­tées à s’y trom­per par Austin Butler aupa­ra­vant). “C’est son amour pour vous qui l’a tué” nous balance en pleine face son mana­ger de Tom Hanks à la fin du film, nous renvoyant à nos chimères de public vampi­rique. La mort du King signe en même temps celle d’une certaine pop culture, dont Baz Lurh­mann est certai­ne­ment le meilleur repré­sen­tant derrière la caméra. Grand film.

Elvis de Baz Lurh­mann (Aus-EU, 2h39) avec Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge, Richard Roxburgh… Sortie le 22 juin.

Portrait d'Austin Butler en Elvis Presley.