Déci­dé­ment, après Deci­sion to leave, La Nuit du 12 ou As Bestas, l’été au cinéma sera celui de tous les polars. Dédales du Roumain Bogdan George Apetri, émigré aux Etats-Unis, est sans doute le plus étrange et le plus incon­for­table de tous. Pour résu­mer une intrigue riche en rebon­dis­se­ments sans trop rien dévoi­ler, on pour­rait dire que c’est un peu La Nuit du 12 tourné en Rouma­nie : l’his­toire d’une jeune novice de 19 ans sortant d’un couvent retiré pour affaire urgente en ville (extra­or­di­naire Ioana Buga­rin aux multiples visages), avant d’être violée et massa­crée au beau milieu du film. Autour d’un inspec­teur propre sur lui mais fran­che­ment chelou (Emanuel Parvu), une bande d’enquê­teurs mascu­lins inutiles s’af­fairent à la Roumaine, entre impuis­sance et corrup­tion. « Vous ne valez pas mieux que lui » conclura de façon cinglante cet inspec­teur aux méthodes parfois expé­di­ti­ves… qui ne vaut pas mieux lui non plus.

Les hommes perdus dans Dédales, comme une version roumaine de La Nuit du 12.

Plans séquence et montage trom­peur

« Lui« , c’est le violeur, le temps d’une scène abomi­nable, aux limites du soute­nable tant les cris de la jeune fille sont réalistes, même si la caméra reste loin du crime (on ne vous révèle rien). Bogdan George Apetri a l’art des plans séquences chers au cinéma roumain contem­po­rain pour faire vivre les émotions de ses person­nages en temps réel, à travers diffé­rentes facettes natu­ra­listes dans des situa­tions quoti­diennes la plupart du temps, mais en usant paral­lè­le­ment d’un montage trom­peur pour faire vaciller nos croyances et une vérité qui ne cesse de se déro­ber. Une mise en scène de polar au cordeau, à la fois exis­ten­tielle et riche en suspense. Jusqu’à lais­ser deux issues possibles au crimi­nel (dont une fantas­mée), et un « miracle » pour finir, celui qui donne son titre origi­nal au film. Dédales est en réalité le deuxième volet d’une trilo­gie tour­née avec les mêmes acteurs, tour à tour prota­go­nistes puis seconds rôles d’une seule histoire collec­tive tour­née autour d’un même village au Nord de la Rouma­nie, celui dont est origi­naire le réali­sa­teur. Dans le premier, on voyait un flic maquiller lui-même une enquête pour mieux perpé­trer un crime… sur du Chopin ! Ici, point de musique et le point de vue de la victime, la seule femme du film, l’em­porte malgré tout jusqu’au dernier plan. C’est brillant, super­be­ment joué et dialo­gué, à condi­tion d’ai­mer se lais­ser mani­pulé jusque dans les zones les plus mons­trueuses de la nature humaine. La décou­verte de l’été.

Dédales de Bogdan George Apetri (Mira­col, Rou, 1h58) avec Ioana Buga­rin, Emanuel Parvu, Cezar Antal… Sorti depuis le 20 juillet. Uniden­ti­fied, le premier volet de la trilo­gie de Bogdan George Apetri, est dispo­nible sur la plate­forme Univers ciné.