Auréolé de son prix du Jury à Cannes 2022, EO de Jerzy Skoli­mowski nous déçoit à force de posture arty et misan­thrope, ripo­li­nant son absence de propos derrière des images asep­ti­sées dont l’âne n’est que le prétex­te… Dommage.

Ce n’est jamais bon signe quand un réali­sa­teur se sent obligé de défi­nir son film… à la fin ! Alors qu’on vient juste­ment de le voir. C’est pour­tant ce que fait lé vété­ran octo­gé­naire Jerzy Skoli­mowski à la fin de son EO, nous rappe­lant qu’il s’agit d’une « ode à la nature et aux animaux » et que « aucun animal n’a été maltraité pendant le tour­nage »… Encore heureux, parce que côté être humains, la maltrai­tance a bien lieu : homme égorgé qui venait de faire une « blague de sexuelle de mauvais goût » à une migrante, foot­bal­leurs obèses, chas­seur meur­trier, circas­sien qui chosi­fie ses animaux et chate­lains qui s’en­voient le sel et les assiettes à la figure, avec Isabelle Huppert en guest dans son plus mauvais rôle : la diva hysté­rique qui pique sa crise de nerfs en jouant à la star dans une robe de coutu­rier (tout en prenant bien soin de faire tour­ner sa fille, Lolita Cham­mah, entre-soi quand tu nous tiens…).

EO de Jerzy Skolimowski, prix du Jury au dernier festival de Cannes.
EO au cirque.

Isabelle Huppert, pourquoi faire ?

Alors on veut bien qu’il y ait de très beaux plans dans EO, et il y en a – pas tant que ça – mais il y en a. Pas de doute, Skoli­mowski connaît son affaire en matière visuelle. On veut bien aussi que le metteur en scène polo­nais dénonce les maltrai­tances animales, c’est d’ailleurs le prin­ci­pal inté­rêt de son film à nos yeux… Mais ça ne dure pas, et ce pensum arty et préten­tieux n’est certai­ne­ment pas le « trip visuel expé­ri­men­tal » que voulaient nous vendre certains critiques à Cannes. Skoli­mowski abuse de la caméra subjec­tive dans les champs et sur la montagne comme dans les plus mauvais films de Terence Malick (période A la merveille, Knight of cups), ivre de sa propre caméra. Comme en atteste la séquence de crêpage de chignon avec Isabelle Huppert à l’in­té­rieur du château (sans paysages natu­rels ni animaux, alors pourquoi ?), EO est surtout un film misan­thrope tota­le­ment asep­tisé (filtres rouges, strom­bos, images léchées dans lesquelles l’ani­ma­lité reste noyée, grande musique de Beetho­ven et Mykie­lyn pour faire genre, reli­gio­sité de paco­tille…), un pur produit pour impres­sion­ner un jury de festi­val à l’épate. Ça a marché : le film est bien revenu de Cannes avec un prix du Jury… On verra si les spec­ta­teurs en reviennent avec le même enthou­sias­me… Pour le moment, c’est plutôt à ce dernier caprice d’un réali­sa­teur autre­fois plus ambi­tieux (Deep end, Essen­tial Killing), qu’on attri­bue­rait… le bonnet d’âne.

EO de Jerzy Skoli­mowski (Pol-It, 1h26, ressenti 2h) avec Sandra Drzy­malska, Lorenzo Zurzolo, Mateusz Kosciu­kie­wicz, Isabelle Huppert, Lolita Cham­mah… Sortie le 19 octobre.

EO de Jerzy Skolimowski, un film dont un âne est le héros.