On suit Rama (Kayije Kagame) une jeune roman­cière française d’ori­gine afri­caine qui se rend à Saint-Omer pour assis­ter au procès de Laurence Coly, accu­sée d’avoir tué sa fillette de 15 mois en l’aban­don­nant sur la plage à marée montante. Le film de procès n’est pas forcé­ment le genre le plus simple à appré­hen­der. Ici Diop est fron­tale, voire statique et place le spec­ta­teur au centre de la salle d’au­dience. Elle construit ensuite un récit presque entiè­re­ment basé sur les plai­doi­ries des diffé­rents person­nages afin de retra­cer la vie et les motifs qui ont conduit Laurence à commettre l’ir­ré­pa­rable, mais aussi inter­ro­ger le spec­ta­teur sur ses propres convic­tions.

L’énigme de Laurence Coly à son procès. (Gusla­gie Malanda)

Telle mère, telle fille

Alice Diop ne justi­fie jamais les actions de l’ac­cu­sée et l’hor­reur de l’in­fan­ti­cide, mais elle filme avec sensi­bi­lité et huma­nité cette femme perdue (incar­née avec une convic­tion trou­blante par Gusla­gie Malanda), dont l’ab­sence de remords décon­te­nance aussi bien la presse que les jurés. La réali­sa­trice s’au­to­rise même quelques élans fantas­tiques, ques­tion­nant notre rapport à la folie et notre sensi­bi­lité aux diffé­rences de culture quand l’ac­cu­sée commence à justi­fier son geste par l’en­voû­te­ment d’un mara­bout. Seul le person­nage de Rama (alter ego de la réali­sa­trice) offre une échap­pa­toire à l’at­mo­sphère étouf­fante de la salle d’au­dience, même si sa confron­ta­tion indi­recte avec l’ac­cu­sée remue chez elle des souve­nirs doulou­reux. A travers son histoire fami­liale mouve­men­tée, Alice Diop, au-delà du fait divers, sonde le rapport à la mater­nité et les liens inex­tri­cables qui relient une mère à sa fille. 

Saint Omer d’Alice Diop (Fr, 2h02) avec Kayije Kagame, Gusla­gie Malanda, Valé­rie Drévil­le… Sortie le 23 novembre 2022.