A la fois conte initia­tique, fable poli­tique et comé­die musi­cale avor­tée, le Pinoc­chio de Guillermo del Toro finit par pécher par à force de top vouloir embras­ser, malgré une première heure visuel­le­ment de toute beauté. A vous de choi­sir de le voir ou nous à la maison sur Netflix…

Il y a vrai­ment de belles choses dans cette version moderne du conte de Pinoc­chio signée Guillermo del Toro. D’abord, un très beau conte initia­tique pour appri­voi­ser la mort à travers ce Pinoc­chio garçon de bois indo­cile mais surtout immor­tel – parce qu’il n’est pas vrai­ment vivant – sculpté dans la tombe de Carlo, le fils aimé et perdu et aimé de Gepetto. Pinoc­chio traver­sera d’ailleurs plusieurs fois le miroir pour aller visi­ter la mort, une créa­ture tout droit sortie du Paci­fic Rim de Del Toro… Ensuite, une splen­deur visuelle de chaque instant quand il s’agit de vaga­bon­der à travers les paysages des villages et des vallées de l’Ita­lie rurale éter­nelle, croqués comme des tableaux. L’ani­ma­tion en stop motion de marion­nettes mues image par image (signée du co-réali­sa­teur Mark Gustaf­son) est souvent bluf­fante pour faire exis­ter ces person­nages de bois encore plus touchants et vulné­rables que s’ils étaient véri­ta­ble­ment vivants. Enfin, la musique d’Alexandre Desplats pour quelques mini séquences de comé­die musi­cale sent bon le conte de Noël, même si Del Toro finit par aban­don­ner l’idée en route : la dernière partie du film en est tota­le­ment dépour­vue, vous allez comprendre pourquoi.

Pinocchio danse au cirque devant Mussolini pour Guillermo Del Toro sur Netflix.
La danse du caca qu’ef­fec­tue le Pinoc­chio de Guillermo Del Toro devant Musso­lini.

Musso­lini et la danse du caca

Comme dans Night­mare Alley sorti en salles en début d’an­née, Guillermo del Toro finit toujours par en faire trop : la trans­po­si­tion dans les années 30, une fois passée la danse du caca devant un Musso­lini se gavant de pop corn, finit par être pesante de didac­tisme, comme un discours repris à ses films précé­dents et appliqué au conte origi­nel de Pinoc­chio qui n’en deman­dait pas tant. L’ode à la diffé­rence et à la déso­béis­sance face aux malheurs du monde a toujours fait partie de l’ADN du cinéma de Del Toro depuis Le Laby­rinthe de Pan, son film matrice auquel on pense ici beau­coup…

Le criquet bleu du Pinocchio de Del Toro au milieu su soleil de la campagne d'Italie.
Le criquet inventé par Guillermo del Toro pour narrer son Pinoc­chio.

La dernière séquence du monstre marin finit par tour­ner à la grosse produc­tion archi-conven­tion­nelle (surpro­duc­tion Netflix oblige ?), faisant oublier la belle poésie de la première partie et les beaux person­nages inven­tés pour l’oc­ca­sion : le criquet bleu mous­ta­chu en écri­vain-narra­teur marty­risé vaut le coup d’oeil, comme les esprits de la forêt qui se déplacent comme des yeux volants… mais qui ne feront que passer le temps d’une courte scène. De cette ode à la « briè­veté » qui fait « le prix de la vie« , Guillermo Del Toro aura fait un pudding un peu trop indi­geste pour être dégus­ter en famille le soir du réveillon. Comme il sera diffi­cile de faire patien­ter de jeunes enfants devant ces deux heures un peu trop surchar­gées, à la maison, vous pouvez toujours vous l’ap­pliquer à vous-mêmes : la première heure est vrai­ment très belle, il suffit de vous en conten­ter.

Pinoc­chio de Guillermo del Toro et Mark Gustaf­son (Guillermo del Toro’s Pinoc­chio, E.U.-Mex-Fr, 2h02). Anima­tion de marion­nettes en stop motion. Dispo­nible sur Netflix.

Pinocchio passant la grande porte de la mort dans le film Netflix de Guillermo Del Toro.