Il y a du Potiche et du Huit femmes dans Mon Crime

François Ozon : “ Oui, pour moi c’est un peu le troi­sième volet d’une trilo­gie commen­cée avec Huit femmes il y a vingt ans puis pour­sui­vie avec Potiche. Huit femmes, c’était un peu un film sur le renon­ce­ment du patriar­cat, Potiche c’était l’avè­ne­ment du matriar­cat et là c’est un film sur la soro­rité, le triomphe de la compli­cité fémi­nine.

A chaque fois dans une période diffé­rente, ici ce sont les années 30 dans lesquelles les femmes n’avaient encore ni le droit de vote ni le droit d’ou­vrir un compte en banque, il fallait une dote pour se marier, beau­coup d’obs­tacles, y compris pour faire carriè­re… ça m’in­té­res­sait de suivre le chemin trans­gres­sif, tordu que ces deux jeunes femmes devaient prendre pour arri­ver à faire leur vie.

« Mon Crime est la fin d’une trilo­gie commen­cée avec Huit femmes et Potiche. »

François Ozon

Où déni­chez-vous ces comé­dies de boule­vard mécon­nues ?

Par hasard, c’est Domi­nique Besne­hard qu’on voit dans le film qui m’avait conseillé Huit femmes à l’époque. Il m’avait dit “cette pièce est complè­te­ment nulle, ne la lis pas !”, bien entendu pour que je la lise… (rires) En m’ex­pliquant que quand un théâtre de province ne marchait pas, il jouait Huit femmes pour se relan­cer…

Je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose ! Ici, j’ai vrai­ment adapté la pièce qui était une comé­die, mais concen­trée sur l’as­pect judi­ciaire. Ce qui faisait rire, c’était surtout la corrup­tion de la justice de l’époque. Je l’ai recen­trée autour de ce couple de jeunes femmes que j’ai­mais beau­coup, et ce qui réson­nait de cette époque avec notre regard d’aujourd’­hui. J’ai­mais bien aussi l’amo­ra­lité de cette jeune femme qui s’ac­cuse d’un crime qu’elle n’a pas commis et acquiert ainsi la célé­bri­té…

« J’avais envie d’être dans la joie et de faire plai­sir aux spec­ta­teurs !« 

François Ozon

Vous rendez juste­ment hommage à Danielle Darrieux qui avait cette amora­lité joyeu­se…

Oui, on lui a même repro­ché sa légè­reté, y compris pendant la guerre ! (rires)  Je l’avais fait tour­ner dans Huit femmes, c’est une actrice que j’aime beau­coup. Elle a cette moder­nité dans le jeu, elle est géniale dans le drame comme dans la comé­die, et c’était vrai­ment la star des années 30, toutes les jeunes filles voulaient lui ressem­bler…

Elle est magni­fique dans Mauvaise Graine de Billy Wilder que je cite dans le film, même si ce n’est pas un chef-d’oeu­vre… Je voulais effec­ti­ve­ment d’une façon géné­rale retrou­ver cette jubi­la­tion. J’avais envie d’être dans le plai­sir et de faire plai­sir aux spec­ta­teurs, d’être dans la joie. C’est vrai­ment un film sur le jeu, de la fabri­ca­tion à l’in­car­na­tion.

Deman­der à Isabelle Huppert de jouer une actrice du muet qui veut sa part du gâteau, en la faisant jouer comme à l’époque et en tour­nant en pelli­cule 16mm, ou confron­ter Fabrice Luchini à Dany Boon, c’était déjà pour moi un pur plai­sir de spec­ta­teur ! Sans doute qu’un film comme celui-là serait un drame aujourd’­hui, et à juste titre. Sans doute que de partir dans les années 30 permet­tait de mettre une distance et de sourire, tout en disant des choses graves…”

Mon Crime de François Ozon (Fr, 1h42) avec Nadia Teres­­kie­­wicz, Rebecca Marder, Fabrice Luchini, Isabelle Huppert, Dany Boon, Michel Fau, Daniel Prévost, Myriam Boyer, Edouard Sulpice, Félix Lefèb­­vre… Sortie le 8 mars. Désor­mais dispo­nible sur Canal.