La plus grande diffé­rence dont tout le parle avec cette nouvelle adap­ta­tion des Trois Mousque­taires (dont on a déjà dit le plus grand bien), c’est évidem­ment la bisexua­lité de Porthos, expli­cite dans le film, mais impli­cite dans le livre. Formi­dable de bonhom­mie, Pio Marmaï aurait bien mis le jeune D’Ar­ta­gnan « dans son nid » dans la scène de la taverne au début du film, avant de se réveiller au petit matin un peu plus tard entouré d’une jeune femme… et d’un jeune homme dans son lit !

Les 3 Mousque­taires : on a comparé le film avec le livre

La bisexua­lité n’est évidem­ment pas clai­re­ment évoquée dans le roman de 1844. Elle est pour­tant parfai­te­ment compa­tible avec ce qu’A­lexandre Dumas décrit du tempé­ra­ment de Porthos, un esprit simple qui n’existe que par le « plai­sir« , opposé en tout point à Athos, « incon­ti­nent verbal » et « jouis­seur » de chaque instant. Avec, précise expli­ci­te­ment Dumas, une « haine invé­té­rée pour les savants et les conve­nances« , issue de son « senti­ment d’in­fé­rio­rité« . Avec Porthos, comme le dit un chapitre du livre, « tous les chats sont gris ».

Pio Marmaï, épatant Porthos, en bonne compa­gnie.

La bisexua­lité de Porthos dans Les 3 Mousque­taires

Il y a même un chapitre des Trois Mousque­taires inti­tulé « La Maîtresse de Porthos » dans lequel, blessé, il attend dans sa chambre la venue d’une duches­se… qui ne vien­dra pas, et fait monter « un gentil­homme » à la place pour une « partie de dés« … Désin­té­ressé quant à son rapport aux femmes comme à tous les pouvoirs, Porthos est sans doute le plus libre des Mousque­taires, et de ce point de vue là, l’in­car­na­tion de Pio Marmaï dans ces 3 Mousque­taires 2023 reste parfai­te­ment fidèle à l’es­prit du person­nage.

Un esprit de liberté et d’au­dace qu’on retrouve d’ailleurs parfai­te­ment dans chacun des person­nages, on ne peut plus fidèles à Dumas : Athos ascé­tique, Aramis héroïque et altruiste, et le benja­min D’Ar­ta­gnan toujours cheva­le­resque. Porthos, décrit comme « l’op­posé d’Athos dans leur liai­son« , est donc bien le person­nage le plus sexué… avec D’Ar­ta­gnan.

Quand D’Ar­ta­gnan était « fou amou­reux » de Mila­dy…

Car si l’adap­ta­tion d’Alexandre de La Patel­lière et Matthieu Dela­porte suit globa­le­ment les rebon­dis­se­ments du roman (le triple duel, l’ar­res­ta­tion et le procès d’Athos, les ferrets de la Reine), l’autre diffé­rence majeure du film au livre est cette fois aussi liée à l’in­trigue : la suppres­sion du scéna­rio de Monsieur Bona­cieux, c’est-à-dire le mari ((beau­coup plus âgé) de Cons­tance (merveilleuse Lyna Khou­dri dans le film).

Dumas lui consacre au moins trois chapitres (« Monsieur Bona­cieux« , « Le Ménage Bona­cieux » et « Le Mari et L’Amant« ). Sa suppres­sion permet au person­nage de Cons­tance de gagner en auto­no­mie (comme une jeune femme moderne), et à sa rela­tion avec D’Ar­ta­gnan de deve­nir centrale et… complè­te­ment fleur bleue.

François Civil et Lyna Khou­dri, le couple craquant des Mousque­taires 2023.

Elle permet aussi de lais­ser à l’écart les intrigues de mariage d’un autre temps, qui sont pour­tant au coeur du roman. Car chez Dumas, ce qui est « clair » comme l’écrit le roman­cier, « c’est que D’Ar­ta­gnan aimait Milady comme un fou et qu’elle ne l’ai­mait pas le moins du monde. »

Il ne s’agit ici sans doute que de simpli­fier une intrigue déjà complexe à l’échelle d’un film de 2h, et de remettre à plus tard les feux de l’amour entre l’in­tri­gante malé­fique anglaise campée par Eva Green et François Civil pour mieux épicer le deuxième épisode, Milady, déjà terminé, qu’on pourra décou­vrir en décembre.

A côté des lour­deurs anglo-saxonnes du siècle dernier comme L’Homme au Masque de fer de Randall Wallace (en partie tourné à Lyon), avec Leonardo Di Caprio et Gérard Depar­dieu en Porthos, ou des vieille­ries d’il y a plus de soixante ans d’André Hune­belle (1953, avec Bour­vil et scéna­risé par Michel Audiard), puis de Bernard Borde­rie (1961) – sans parler de la version de 1974 avec Fran­cis Perrin… – cette nouvelle adap­ta­tion reste bien le meilleur compro­mis ciné­ma­to­gra­phique possible, surtout pour des spec­ta­teurs d’aujourd’­hui. Et comme l’écrit Alexandre Dumas : « On aurait tort du reste de juger les actions d’une époque au point de vue d’une autre époque.« 

Les 3 Mousque­taires, D’Ar­ta­gnan de Martin Bour­bou­lon (Fr, 2h02) avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï, Louis Garrel, Lyna Khou­dri, Eva Green, Eric Ruf, Domi­nique Valla­dié….

Athos, le plus ascé­tique des Mousque­taires (génial Vincent Cassel).