Premier film de Giacomo Abruz­zese, Disco Boy n’a qu’un seul défaut : son titre, le rédui­sant à la scène de boîte de nuit finale assez conve­nue, rappe­lant comme deux miroirs de boule à facettes le Beau travail de Claire Denis, film de Légion étran­gère lui aussi, auquel on songe beau­coup ici. Car ce film de guerre apatride et capi­teux a des quali­tés esthé­tiques super­la­tives, du premier plan tropi­cal sur le torse d’ébène d’un soldat offert à la caméra dans son sommeil, jusqu’aux séquences stupé­fiantes de traque placide dans la jungle nigé­riane, ensor­ce­lées par l’elec­tro de Vita­lic.

Franz Rogowski, acteur fétiche de Chris­tian Petzold.

Immi­gra­tion forcée contre monde civi­lisé

A travers la fuite d’un soldat biélo-russe entré dans la Légion étran­gère française pour fuir son pays à tout prix, et son étrange frater­nité de combat avec un soldat de l’éman­ci­pa­tion du Delta, Abruz­zese réus­sit un film poli­tique singu­lier, filmant en actes et en beau­tés la revanche des passa­gers clan­des­tins de l’im­mi­gra­tion forcée sur le monde civi­lisé, quelque part entre le récent Paci­fic­tion pour la sensua­lité (ici plutôt mâle), et Les Confins du monde de Guillaume Nicloux, peut-être le plus beau rôle du regretté Gaspard Ulliel. Alors même si ce trans­fert de Disco Boy dans la dernière demi-heure réduit un peu trop cette âpre quête inté­rieure à la Joseph Conrad au cliché d’une banale piste de danse à Paris, ce premier essai est suffi­sam­ment impres­sion­nant pour qu’on retienne le nom de ce réali­sa­teur, lui-même apatride euro­péen, pour un prochain voyage.

Disco Boy de Giacomo Abruz­zese (Fr-It-Bel-Pol, 1h32) avec Franz Rogowski, Morr Ndiaye, Laeti­tia Ky, Matteo Olivet­ti… Sortie le 3 mai.