J’ai bien aimé pour mon premier opéra, j’étais charmé, il se passe tout le temps quelque chose.” Voilà ce que disait un jeune homme en sortant de la nouvelle produc­tion du festi­val Secrets de famille le soir où nous y étions. Il a bien raison : chez Verdi, il y a tout l’opéra ! La jouis­sance du drame, que fait jaillir dès l’ou­ver­ture Daniele Rustioni au pupitre, mila­nais et verdien dans l’âme. Bibe­ronné à la Scala petit, il a qui a cette italia­nité et cet art du contraste si jouis­sif et si redou­table à diri­ger mais incroya­ble­ment chatoyants à écou­ter : choeurs mascu­lins fourbes et bouffes montés sur ressort, qui vont enle­ver par vengeance Gilda, la fille de Rigo­letto, alors qu’elle chante son premier amour dans un des plus beaux airs suspen­dus du compo­si­teur (une nouvelle fois sur une balançoire). Le duc éructe sa miso­gy­nie crasse dans un autre tube à l’iro­nie dévas­ta­trice, La Donna è mobile (et d’ailleurs le ténor Enea Scala gueule un peu, mieux vaut adorer l’opéra italien…).Ce fut un autre moment d’émo­tion de voir un chan­teur ukrai­nien, Roman Chaba­ra­nok en Comte de Monte­rone, formé à Lviv, au moment des saluts…

Gilda (Nina Mina­syan) sur le grand écran d’Alex Ranisch. (photos Bertrand Stofleth)

Le cinéma d’Alex Ranisch

Alors que le joyeux bordel d’une scéno­gra­phie rock de banlieue aurait suffi, le metteur en scène Alex Ranisch se complique la vie en voulant super­po­ser des vidéos au réalisme plat au-dessus de la scène qui n’ap­portent rien (un comble pour un artiste qui vient de la vidéo). ça ne gâche pas le plai­sir, mais comme les choré­gra­phies aussi pares­seuses, ça n’ap­porte rien. Pas grave, on a Verdi et Daniel Rustioni dans la fosse, clas­sieux et plein de verve. On le retrou­vera, il vient d’être nommé direc­teur musi­cal de l’Opéra en plus d’être chef perma­nent.

Rigo­letto de Verdi dans le cadre du festi­val Secrets de famille. Mise en scène Alex Ranisch. Direc­tion musi­cale Daniele Rustioni (remplacé samedi 26 mars). Jusqu’au jeudi 7 avril à 20h (dim 16h) à l’Opéra de Lyon, Lyon 1er. De 10 à 110 € (annoncé complet, à tenter en dernière minute). Lire aussi notre critique d’Irre­lohe de Franz Schre­ker, présenté en paral­lèle pendant le festi­val.