Après Beetho­ven, Niko­laj Szeps-Znai­der pour­suit son cycle Mahler avec la Troi­sième sympho­nie, la plus longue du réper­toire. Un grand moment de musique auquel on a assisté le 25 mars dernier, qui en annonce d’autres à venir… la saison prochaine avec l’Or­chestre natio­nal de Lyon.

C’est toute la Créa­tion qui traverse la 3e sympho­nie de Mahler, la plus longue du réper­toire, commençant par une grande marche « sur les rochers » de plus d’une demi-heure, initiée par une merveille de percus­sions rocailleuses aux timbales mysté­rieuses comme une terre qui tremble. Toute l’au­to­rité de Niko­laj Szeps-Znai­der se fait sentir d’en­trée de jeu entre un tutti à cent musi­ciens qui emporte la salle, et d’un simple serre­ment de doigts le silence qui se fait recueille­ment. On sait déjà qu’on va être parti pour un grand moment. La musique vien­noise est sa musique, et celle de Mahler la portant à un pont de rupture incan­des­cent nour­rit toutes les ambi­tions de Znai­der à la tête de l’ONL.

Nicole Corti, cheffe de choeur, Chris­tian Léger trom­pette solo, Niko­laj Szeps-Znai­der et Anaïk Morel aux saluts samedi 25 mars à l’Au­di­to­rium.

Sans doute galva­ni­sés par cette pres­ta­tion unique liée à l’an­nu­la­tion du premier concert prévu jeudi pour cause de grève, les pupitres de l’ONL jaillissent tour à tour comme les fleurs du deuxième mouve­ment en forme de scherzo, « la chose la plus insou­ciante que j’ai écrite » avait confié le compo­si­teur. Aux animaux dans la forêt, l’or­chestre s’em­balle soudai­ne­ment comme une valse de cirque annonçant déjà Nino Rota, selon l’ins­pi­ra­tion folk­lo­rique qui a toujours traversé la grande oeuvre de Mahler. Une commu­nion joyeuse qui gagnera la chorale d’en­fants de l’avant dernier mouve­ment, comme une évoca­tion du Para­dis à la façon d’un paysage naïf. Juste après que la plus habi­tée des mezzos, la Lyon­naise Anaïk Morel, n’ait annon­cée la Nuit de l’homme en duo avec le cor de Guillaume Tétu, sur le poème de Nietzsche qu’on retrou­vait à la fin du Mort à Venise de Visconti.

S’en suit un des plus beaux mouve­ments lents de l’his­toire de la musique, un « chant d’amour » qui abolit le temps à travers une mélo­die qui renaît comme la houle dans une vague de commu­nion desti­née à s’éteindre par son propre lyrisme. Avec le même serre­ment de doigt, Niko­laj Szeps-Znai­der accueille de ses longs bras ce roman­tisme sympho­nique dont il est devenu le héraut. Après les quatrième et cinquième sympho­nies, peut-être un peu plus lisses, c’est son plus beau travail à ce jour à travers une oeuvre qu’il pour­sui­vra la saison prochaine, de la Première sympho­nie Titan au point de rupture de la Neuvième. De quoi, encore, entendre live un sublime adagio… En atten­dant, on l’es­père, la reprise de cette Troi­sième d’an­tho­lo­gie privée de son premier soir, voire même un Mahler festi­val de sympho­nies comme l’évoquait le maes­tro en coulisses, main­te­nant qu’il a été recon­duit à la tête de l’ONL pour cinq ans.

Que les choses soient claires : on veut bien que la réforme de retraites passe si c’est pour entendre un musique aussi sublime.