C’est fini pour les Ateliers de la Danse au musée Guimet. Sans préavis ni concer­ta­tion, la mairie de Lyon vient d’an­non­cer qu’elle annu­lait le projet, qui se substi­tuait déjà à la promesse d’une nouvelle Maison de la danse à Confluence.  Le motif ? Un déra­page budgé­taire, « multi­plié par huit en cinq ans, de 5 à 40 millions  », selon l’adjointe à la Culture Natha­lie Perrin-Gilbert. Objec­tion, Votre Honneur : on est surpris de décou­vrir la conver­sion de l’al­liance EELV-LFI à la rigueur gestion­naire, mais on est surtout étonné d’un tel amateu­risme. Les 5 mill­lions cités ne corres­pondent en effet qu’aux frais d’études, le projet fina­lisé ayant toujours été chif­fré autour de 26 millions (donc 31 millions en tout, et 7 de la Drac, c’est-à-dire l’Etat), ce qui n’a rien à voir… S’il y a bien eu des problèmes tech­niques d’adap­ta­bi­lité de ce bâti­ment vieux de 1886, lieu, notam­ment acous­tiques, le coût supplé­men­taire ne corres­pond en rien à ce que la mairie présente pour se justi­fier. Elle jure par ailleurs vouloir conti­nuer de faire de la danse une prio­rité, mais une prio­ri­té… pour plus tard, “à mi mandat”. Comme disait la grand-mère de leur amie Martine Aubry, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup« . Car les Ateliers Guimet compre­naient trois salles (une grande salle de 500 places, un studio et un foyer), plus les nouveaux ateliers du service archéo­lo­gique, dont la muni­ci­pa­lité ne dit plus mot. Monter en 3 ans un projet de toute pièce « dans le 8e, à proxi­mité de la Maison de la danse« , qui comprend rési­dence d’ar­tistes, répé­ti­tions et salle de spec­tacle de 500 places , relève pour le moins de l’ab­né­ga­tion. Sans comp­ter qu’en­tre­te­nir trois lieux diffé­rents au lieu de les regrou­per en un seul (le musée Guimet, dont il faudra bien faire quelque chose, les bureaux et ateliers du musée archéo­lo­gique, et le nouveau lieu de créa­tion pour la danse), pour­rait bien coûter au moins aussi cher à terme, si ce n’est plus…

L’aban­don, premier acte de la nouvelle muni­ci­pa­lité

Projet de maquette pour la grande salle de 500 places aux Ateliers Guimet (en haut, le studio).

C’est surtout le pire des signal envoyé au meilleur des arts à Lyon. La danse, grâce à Guy Darmet puis aujourd’­hui Domi­nique Hervieu, consti­tue une partie de l’âme de cette ville, et a fait beau­coup pour son ouver­ture, et pas seule­ment à travers la formi­dable recon­nais­sance du mouve­ment hip hop, de Mourad Merzouki jusqu’au Pocke­mon Crew. Elle corres­pond en prime à toutes les valeurs défi­nies par les Verts de Grégory Doucet et la Gauche de Natha­lie Perrin-Gilbert : diver­sité, égalité homme-femme, métis­sages, accueil des compa­gnies émer­gentes du monde entier, travail avec les amateurs et avec les quar­tiers… Mais elle reste le parent pauvre des subven­tions face aux (très) nombreux théâtres, dont la plupart sont autre­ment moins variés (quelle est la dernière fois que vous avez vu un acteur noir sur scène ?). Bref, s’en prendre en urgence et d’abord à la danse (comme déjà avec Jean-Claude Gallotta en son temps à Grenoble), c’est un signal poli­tique détes­table envoyé à la popu­la­tion la plus variée, celle qui parti­cipe aux défi­lés comme celle qui va voir Amala Dianor ou Mourad Merzouki. Commen­cer par enter­rer un projet de danse à Lyon est de la dernière bêtise, surtout lorsqu’on dit en faire une prio­rité : il eut été plus heureux d’at­tendre d’an­non­cer un nouveau projet plutôt que de se préci­pi­ter pour détruire celui qui n’était même pas encore réalisé. Drôle d’ap­pé­tit pour les gestes d’un pouvoir unila­té­ral et auto­ri­taire. Il n’y a que les actes qui comptent. Et le seul qui existe aujourd’­hui, c’est l’aban­don. On veut bien faire un crédit de bonne volonté au nouveau maire de Lyon. Mais alors il va falloir qu’il se mette rapi­de­ment au travail s’il veut tenir sa parole d’un lieu de créa­tion et de diffu­sion digne de ce nom pour la danse à mi-mandat. Chiche.