On voudrait nous faire croire qu’on peut courir 10m derrière un joggeur mais qu’on ne pour­rait pas assis­ter à un concert avec un masque à 10m d’un trom­pet­tiste ?

Que mon froma­ger pouvait rester ouvert (la laite­rie Gilbert, miam) mais pas un libraire ?

Qu’on peut lais­ser 15 enfants dans une même salle pendant 4h ou même une jour­née mais qu’on ne pour­rait pas être 10 pour assis­ter à un one man show à distance de la scène ?

Alors puisque le ridi­cule du Minis­tère de la culture ne tue pas, même du Coro­na­vi­rus, et que Franck Ries­ter est encore en vie, heureu­se­ment pour lui, plutôt que d’obli­ger tous les festi­vals à repor­ter pour des raisons avant tout écono­miques (trans­fé­rer les subven­tions 2020 à 2021 sans frais, en mettant s’il le faut tout le monde au chômage), on peut imagi­ner de nombreuses mani­fes­ta­tions cultu­relles en toute sécu­rité : un réci­tal salle Molière, par exemple du pianiste lyon­nais François Dumont qu’on adore, pour une centaine de personnes dissé­mi­nées entre l’or­chestre et le balcon avec leurs masques ; un one woman show de Cécile Giroud à Gerson pour une quin­zaine de personnes (y aura la queue à l’en­trée mais pas plus qu’au super­mar­ché) ; des lectures sous les arbres au Parc de la Tête d’Or en lais­sant les spec­ta­teurs à 10m de l’ac­trice ou de l’ac­teur (Domi­nique Blanc ? C’est le moment de rêver !) ; un happe­ning d’un petit groupe espacé de musi­ciens de l’Au­di­to­rium ou de l’ONL sur les parvis de leurs insti­tu­tions respec­tives, en lais­sant le public toujours à 10m, pour ne pas mettre en péril le fragile équi­libre nerveux de monsieur Casta­ner…

Sans parler d’une inté­grale Béla Tarr à l’Ins­ti­tut Lumière ou à La Fourmi (il n’y a jamais eu plus de 10 personnes dans une salle pour voir un film de Béla Tarr, alors…). Bref, arrê­tons ce prin­cipe de précau­tion déli­rant et sacri­fi­ciel qui consiste à mettre tout le monde au chômage cultu­rel jusqu’en août 2021.

Si la situa­tion écono­mique ne sera certes pas viable avant un certain temps pour les lieux cultu­rels, une chose est sûre : ce n’est pas en inter­di­sant tout et en ne faisant rien qu’on fera reve­nir le public un jour dans les salles. Surtout si on lui explique comme on est en train de le faire qu ce sont des lieux terri­ble­ment conta­mi­nant. Imagi­ne­rait-on lais­ser les bars et restau­rants au chômage jusqu’en août 2021 ?

Alors il est grand temps de prendre des initia­tives dès que possible – Exit sera toujours là pour les accom­pa­gner – et que ce gouver­ne­ment qui se prétend libé­ral (quand ça l’ar­range) laisse enfin un peu de liberté aux acteurs cultu­rels, comme il en accorde aux grandes surfaces de luxe pour ouvrir dès le 11 mai et vendre des jeans indis­pen­sables à 300 €…

Créons enfin de la vie, dans le respect des gestes barrières bien sûr, qui, rappe­lons-le, sont là pour proté­ger des virus, pas pour mettre des barrières entre les gens, surtout quand il s’agit de l’es­sen­tiel : des émotions humaines.