Le musée des Beaux-Arts rouvrait le 19 mai non pas avec une, mais un véri­table festi­val d’ex­pos… Une pépi­nière qu’on avait pu visi­ter en avant-première, et qui faitait la part belle aux artistes lyon­nais. Après la superbe expo­si­tion consa­crée à Louis Bouquet (lire notre critique), ce sont les Flan­drin, « artistes et frères« , qu’il faut vous préci­pi­ter de décou­vrir pour les deniers jours qu’il vous reste. Si Hippo­lyte reste le plus célèbre en ayant donné son nom à une rue à quelques enca­blures du musée, cette expo­si­tion sur “les Flan­drin”, la plus grande du musée, s’at­tache juste­ment à montrer l’oeuvre croi­sée et les colla­bo­ra­tions perma­nentes de ces trois élèves qu’Ingres consi­dé­rait comme ses propres fils. C’est d’abord l’aca­dé­mie du nu mascu­lin qui a rendu célèbre ces disciples et notam­ment le Jeune homme nu assis sur un rocher, au bord de la mer (ci-dessus), devenu para­doxa­le­ment une icône gay jusqu’à inspi­rer les photo­gra­phies de Robert Mapple­thorpe qu’on peut décou­vrir en fin de parcours.

Paul Flan­drin, Les bords du Rhône près de Vienne, 1855. (Lyon MBA, Alain Basset)

Para­doxa­le­ment, car même deve­nus maîtres de leur art, les Flan­drin se sont avant tout toujours compor­tés comme de grands élèves, répon­dant avec scru­pule à tous les genres conven­tion­nels : tableaux histo­riques (un peu), portraits intimes ou de condi­tion (beau­coup), ou paysages aux réfé­rences antiques dans une conti­nua­tion appliquée de l’art de la Renais­sance. L’in­té­rêt de cette expo­si­tion ambi­tieuse avec nombre d’oeuvres jusqu’ici peu ou pas expo­sées, réside juste­ment dans le fait de se dépar­tir de ne pas rester d’une linéa­rité par trop scolaire, pour mettre en valeur, au-delà du trip­tyque célèbre de nus mascu­lins signé Hippo­lyte, des aspects moins connus de l’oeuvre frater­nelle. Comme leur passion pour la photo­gra­phie et les débuts de la repro­duc­tion avec la litho­gra­phie, ou encore leurs évoca­tions bibliques jaillis­santes jusqu’aux grandes fresques peintes par Hippo­lyte pour l’église de Saint Germain des prés, qu’on peut décou­vrir presque en taille réelle dans une vidéo géante proje­tée sur trois murs vous trans­por­tant dans les hauteurs de l’édi­fice.

La salle de vidéo géante proje­tant les fresques déco­ra­tives réali­sées par Hippo­lyte Flan­drin pour l’église de Saint-Germain des Prés. (photo LH)
Bande annonce de l’ex­po­si­tion Les Flan­drin, artistes et frères au MBA.

Au milieu d’une scéno­gra­phie soignée jusqu’à la moquette rouge pour entrer dans la salle des portraits de société, un camaieu de bleus vous conduira jusqu’aux nombreux paysages de Paul Flan­drin. Une traver­sée du siècle en compa­gnie de l’aîné de la fratrie qui, contrai­re­ment à Auguste décédé bruta­le­ment à l’âge de 38 ans, vivra jusqu’à ses 91 ans en… 1902 ! Une longé­vité qui témoigne de tout un pan fina­le­ment méconnu de la pein­ture lyon­naise, peignant le senti­ment de la nature depuis le séjour idyl­lique que les trois frères auront eu le temps de faire ensemble un Italie, jusqu’à des tableaux du bord du Rhône ou de la Provence parti­cu­liè­re­ment inspi­rés.

La céra­mique, tout feu, tout flamme

La céra­mique selon Gisèle Garric (photo Susie Waroude).

Toute aussi origi­nale, la toute première expo­si­tion que le musée des Beaux-Arts consacre à sa collec­tion de céra­mique contem­po­raines (lire aussi notre article dans notre numéro de mai), reste elle visible jusqu’en février. Un festi­val de formes géomé­triques ou orga­niques qui abou­tit dans une élégante pièce parée de noir de haut en bas, avec même des pièces de Gisèle Garric accro­chées… au plafond ! Ses plats natu­ra­listes, grouillants de serpents, tortues et autres char­mantes bestioles ainsi que de pieds et mains humains, s’ins­pirent direc­te­ment des plats de Bernard Palissy, écri­vain et céra­miste du XVIe siècle dont vous pour­rez même retrou­ver les oeuvres dans la collec­tion perma­nente du musée. Un parcours surpre­nant de bout en bout, qui, rassu­rez-vous, comprend aussi des tulipes et autres couleurs inof­fen­sives à vous en mettre plein les yeux.

Un nouveau Matisse pour la réou­ver­ture

Enfin, jamais à court d’idée, le musée des Beaux-Arts propose aussi de Nouvelles pers­pec­tives pour mettre en “dialogue” des oeuvres de la collec­tion perma­nente des XX et XXIe siècles autour d’ar­tistes inclas­sables “grands singu­liers en marge de l’his­toire linéaire de l’art” selon les mots de Sylvie Ramond, comme Etienne Martin, Erik Diet­man, René Duvillier ou encore un autre lyon­nais au paysages éton­nants, beau­coup plus modernes ceux-là, Pierre Montheillet. Mais le clou du spec­tacle pour la réou­ver­ture à voir dès le 19 mai, c’est le tout dernier tableau peint par Henri Matisse à l’âge de 81 ans, que le musée vient d’ac­qué­rir pour 4 800 000 euros, grâce à son club de mécènes du musée Saint-Pierre. Inspiré par sa passion pour la tradi­tion des arts isla­miques, Katia à la chemise jaune fait jaillir une dernière fois les couleurs dans l’uni­vers du peintre, abolis­sant les yeux et la bouche (mais pas les formes fémi­nines) pour mieux lais­ser l’ima­gi­naire enva­hir tota­le­ment la toile… “Ressus­cité” d’une opéra­tion réali­sée en urgence à Lyon à la clinique du Parc pendant la guerre, Matisse avait retrouvé la joie profonde de peindre. Il s’en souvien­dra en faisant don régu­liè­re­ment de ses dessins tirés de son album Jazz au musée. Cette Katia aux couleurs explo­sives comme une vie retrou­vée termi­nait le parcours de la très belle expo­si­tion Matisse, un labo­ra­toire inté­rieur du musée des Beaux-Arts en 2017. La voici main­te­nant comme un soleil entrant dans les collec­tions modernes. La joie est commu­ni­ca­tive.

Paul Flan­drin, Les Gorges de l’At­las (1843).

Les Flan­drin, artistes et frères, jusqu’au 5 septembre 2021.

Par le feu, la couleur – céra­miques contem­po­raines. Jusqu’au 27 février 2022.

Musée des Beaux-arts de Lyon, Lyon 1er. Du mercredi au lundi de 10h à 18h, le vendredi de 10h30 à 18h. De 4 à 8€. Réser­ver votre place.