La commis­saire de la nouvelle expo­si­tion du musée des Beaux-Arts, Ludmila Viras­sa­my­naï­ken,  nous présente la façon dont elle a abordé le thème des vani­tés à travers les siècles et les esthé­tiques, « à la mort à la vie ».

A quelle époque débute le thème des vani­tés en histoire de l’art ?

Ludmila Viras­sa­my­naï­ken : « C’est toujours complexe mais on iden­ti­fie les premières icono­gra­phies avec les danses macabres sur les murs des monas­tères et des cime­tières à la fin du Moyen-Âge. Ce qui ne manque pas de faire écho à notre actua­lité pandé­mique puisqu’elles sont nées au moment de la grande peste. Elles seront ensuite diffu­sées notam­ment à travers la gravure d’em­blèmes. L’autre motif qui émerge alors, ce sont les “Triomphes de la mort”, d’abord en Italie. Le lien entre litté­ra­ture et arts visuels est aussi très fort et Pétrarque y a beau­coup contri­bué. Ensuite la vanité peut se décli­ner sous des formes très variées entre natures mortes, scènes de genre, pein­ture d’his­toire, bouquets de fleurs ou pein­ture anima­liè­re…

« Dans les vani­tés, on sent le plai­sir des peintres à décrire un vivant fragile. »

Ludmila Viras­sa­my­naï­ken

Vous asso­ciez les collec­tions du Mac pour abor­der les vani­tés jusqu’à aujourd’­hui ?

Oui, on termine l’ex­po­si­tion avec des œuvres photo­gra­phiques de Delphine Ballet, actuel­le­ment expo­sée au Mac, et d’Eric Poite­vin, qui sera ensuite asso­cié au musée des Beaux-Arts pour une carte blanche. ll s’agit de redé­cou­vrir les collec­tions de nos deux musées sous un angle qu’on ne soupçon­nait pas forcé­ment. Une quaran­taine d’œuvres seront restau­rées pour l’oc­ca­sion sur les 155 présen­tées, en mettant en avant notre fond d’es­tampes ou des œuvres majeures du Mac comme le Ceme­tery of youth de Gilbert and George ou une instal­la­tion de Bill Viola de 80m2, plus une collec­tion parti­cu­lière et un prêt du musée des Confluences. Il ne s’agit pas d’être exhaus­tif, on ne prétend pas épui­ser le sujet, mais de faire dialo­guer des époques et des médias diffé­rents, de la pein­ture à la vidéo en passant par le dessin, les sculp­tures ou les objets d’art, en faisant fi des périodes.

Charles William de Hamil­ton, Plantes, insectes et reptiles dans un sous-bois. (milieu du XVIIIe, Lyon MBA Martial Coude­rette).

La vanité est-elle néces­sai­re­ment liée au thème de la mort ou peut-elle recé­ler d’autres approches plus ou moins morbides ?

Elle n’est pas forcé­ment morbide juste­ment et d’ailleurs, à part les sque­lettes des danses macabres qui ouvrent l’ex­po­si­tion, nos collec­tions n’en recèlent pas. Il y a toujours une forme de détour ou de déca­lage par rapport à la mort elle-même, ce qui risque de provoquer de belles surprises. Ce sont des œuvres avec beau­coup de vie que nous allons présen­ter, avec des tables précieuses ou des bouquets somp­tueux. On sent tout le plai­sir des peintres à décrire ce vivant fragile et précaire. Il ne s’agit pas d’une célé­bra­tion de la mort, mais bien davan­tage d’un rappel du cycle natu­rel qui nous est promis et qui nous incite à mettre à bon escient le temps de l’exis­tence qui nous est imparti. C’est pour ça que nous avons inversé la formu­la­tion “à la vie, à la mort” pour le titre.”

Propos recueillis par Luc Hernan­dez

A la mort, à la vie ! Vani­tés d’hier et d’aujourd’­hui (lire notre critique de l’ex­po­si­tion en avant-première. A partir du samedi 27 novembre et jusqu’au 7 mai 2022 au musée des Beaux-Arts de Lyon, Lyon 1er. De 7 à 12 €.

Photo haut de page : Les Mangeurs de ricotta de Vincenzo Campi (vers 1580, Lyon MBA Martial Coude­rette).