Bon, d’ac­cord, on ne peut pas forcé­ment bouger autant qu’on voudrait, mais ce n’est quand même plus le vieux temps des confi­ne­ments : vous pouvez toujours profi­ter des vacances pour faire un saut à Grenoble, pour voir la plus belles expo de l’hi­ver (avec celle des Vani­tés, mais ça c’est plus facile, c’est à Lyon). Il est para­doxal que ce peintre en quête de para­dis terrestres qu’é­tait Pierre Bonnard (1867–1947), fût long­temps relé­gué au purga­toire. S’il a parti­cipé briè­ve­ment au mouve­ment post-impres­sion­niste des nabis, n’a jamais pris la tête d’une école. Il n’en a fait qu’à sa tête, se tenant à l’écart des révo­lu­tions diverses : fauvisme, cubisme, surréa­lis­me… Picasso lui-même avait du mal à enca­drer ce peintre « bour­geois » (Pierre Bonnard a multi­plié les scènes d’in­té­rieurs exigus, mais magni­fiés, la repré­sen­ta­tion de scènes fami­liales en forme de para­dis perdus, et de ses amantes nues au foyer ). L’après-guerre (la deuxième) l’a laissé dans un semi oubli, teinté de dédain. Il faut dire que Bonnard ne flat­tait pas l’in­tel­lec­tua­lisme engagé en décla­rant que « la pein­ture doit avant tout être déco­ra­tive » (1891).

L’Ate­lier du mimosa (1939–1946) de Pierre Bonnard (photo MAM Centre Pompi­dou).

Du beau, du bon, du Bonnard

L’im­por­tante expo­si­tion, quasi rétros­pec­tive, qui se déroule actuel­le­ment au Musée de Grenoble en colla­bo­ra­tion avec le musée d’Or­say, juste­ment inti­tu­lée Les Couleurs de la lumière, démontre par l’évi­dence de plus de 70 pein­tures expo­sées (plus 50 œuvres sur papier), succes­sion de chefs d’œuvres, que nous avons affaire à un géant. Bonnard, peintre d’ate­lier, même pour ses nombreuses vues d’ex­té­rieur et de plein air, a délaissé l’idée de repré­sen­ter la réalité pour se noyer dans une lumière et des couleurs d’une moder­nité flam­boyante. « Certes la couleur m’avait entraîné, je lui sacri­fiais presque incons­ciem­ment la forme  », avouait-il. Son « chien » sur la terrasse, n’est qu’une tâche marron, indé­fi­nis­sable, son « atelier au mimosa », est plus proche de l’abs­trac­tion que de la repré­sen­ta­tion florale. Le jaune d’or, le bleu riviera, le rose pivoine, le blanc neigeux, leurs vibra­tions, relèguent le sujet au rang de prétexte. Sans le nier pour autant. En témoigne Le Boxeur, auto­por­trait poignant d’un Bonnard vieillis­sant (1931), impuis­sant, mélan­co­lique, face à l’obs­cu­rité d’une fin de vie qui s’an­nonçait. A visi­ter d’ur­gence. François Mailhes

La Jeune Fille aux bas noirs (1893) de Pierre Bonnard (musée d’Or­say).


Bonnard. Les couleurs de la lumière. Jusqu’au 30 janvier. Musée de Grenoble. 5 place de Lava­lette. De 5 à 8 euros. Gratuit pour les moins de 26 ans. Visites guidées les same­dis et dimanches à 14h30.

Le Boxeur, portrait de l’ar­tiste (1931, musée d’Or­say).