C’est un simple hasard, ou un signe surgi du passé, qui fait « hello, souve­nez-vous  ». Va savoir. Le début de l’ex­po­si­tion de Philippe Schul­ler percute de plein front l’ac­tua­lité. On entame en effet la visite par un repor­tage réalisé il y a 30 ans en Ukraine. Le pays venait de quit­ter le giron sovié­tique. En duo avec la jour­na­liste Muriel Pernin, le photo­graphe a pu libre­ment partir à la recherche des derniers témoins d’une histoire long­temps tenue secrète, puis niée par l’URSS. En 1933, l’Ukraine a litté­ra­le­ment été affa­mée par Staline (lire notre critique du beau film L’Ombre de Staline). Peut-être jusqu’à 5 millions de morts. Un très probable géno­cide. Des survi­vants se souviennent de scènes de canni­ba­lisme. Un vieil homme a raconté au photo­graphe, qu’en­fant, il avait la sensa­tion que sa tante voulait le manger. Les photos, que le photo­graphe a « décou­vertes » en déve­lop­pant les pelli­cules à son retour en France, sont évidem­ment beau­coup plus douces. Elles montrent une Ukraine ouvrière et rurale qui s’ou­vrait à peine au monde.

L’Arche de l’Ami­tié entre les peuples, au bord du Dniepr à Kiev en 1991. (Philippe Schul­ler)

L’Ukraine mais pas seule­ment…

Ce n’est qu’un des sujets abor­dés à travers 250 grands tirages, rétros­pec­tive d’une carrière aussi diverse que très cohé­rente d’un photo­graphe lyon­nais qui a aussi bien réalisé une série sur les vieux commerces de Lyon, photo­gra­phié l’in­ti­mité d’une famille de paysans en Haute-Loire, qu’at­terri en de multiples lieux de la planète, notam­ment pour le compte de l’Agence Editing. Philippe Schul­ler ne fait pas partie de cette race de photo­graphes spec­ta­cu­laires qui dansent du ventre en surjouant leurs sujets. Même si certaines photos hameçonnent irré­sis­ti­ble­ment l’œil comme ce bateau qui semble glis­ser sur la lande écos­saise. Au contraire, il joue de subti­li­tés, d’un travail très construit, atta­ché aux détails, teinté parfois d’un petit humour discret. On sent la maîtrise du temps, l’ar­chi­tec­ture du travail, la domes­ti­ca­tion de la lumière, tout en déve­lop­pant une empa­thie mani­feste pour les person­nages rencon­trés. Les humains, posés mais pas poseurs, toujours sérieux, ne sont jamais pris en traître.

Le train à vapeur à Manaca Iznaga près de Trini­dad, Cuba, 19 mai 2009. (Philippe Schul­ler)


Philippe Schul­ler. Photo­gra­phies. Jusqu’au 1er octobre 2022 aux Archives muni­ci­pales de Lyon, 1 place des Archives, Lyon 2e. Entrée libre du lundi au vendredi de 13h à 17h. Visites commen­tées les jeudis et same­dis à 15h.

Sur les berges du Danube à Vuko­var, le soir, Croa­tie, août 2003. (Philippe Schul­ler)