Cette nouvelle expo­si­tion de la fonda­tion Bullu­kian, rassem­blant douze artistes sur la théma­tique du souffle, est dans l’air du temps : on nous annonce que la planète est sur le point d’étouf­fer. A tel point que “A pleins poumons » a failli s’in­ti­tu­ler « A bout de souffle ». Seule­ment la commis­saire d’ex­po­si­tion, Fanny Robin, a choisi la voie de l’op­ti­misme. La multi­pli­cité des approches et des tech­niques arrive à filer ce vent coulis théma­tique. Arguine Escan­don et Yann Gross nous plongent direc­te­ment au coeur de la forêt péru­vienne à travers de grandes photo­gra­phies où l’on sent circu­ler l’air. Au milieu de l’eau et de brumes légères, des humains contem­pla­tifs, parties inté­grantes d’une nature gigan­tesque et exubé­rante, semblent être les derniers gardiens de la planète.

Vue d’en­semble de l’ex­po­si­tion A pleins poumons à la fonda­tion Bullu­kian.

Les artistes ont suivi les traces d’une photo repré­sen­tant Charles Kroehle, un pion­nier oublié de la photo­gra­phie amazo­nienne du début du XXe siècle. L’homme blessé, un trou sanglant dans la poitrine, en train de fumer, a inspiré par les nombreuses cartes postales tirées de ses clichés, l’ima­gi­naire colo­nial d’une Amazo­nie rêvée. Arguine Escan­don et Yann Gross ont dépassé cette dimen­sion en s’im­mer­geant sur une durée de trois ans dans la forêt, jusqu’à vivre des expé­riences chama­niques. On est loin du Parc de la Tête d’or et des zones végé­ta­li­sées…

Souf­fler des mots sur un miroir

Quant à Charles Kroehle, il serait mort comme Saint-Sébas­tien, tué par une flèche. Cette spiri­tua­lité se retrouve de façon ludique dans l’oeuvre de Jean-Baptiste Caron. Vous faites face à une série de miroirs de formes diffé­rentes, où vous appa­rais­sez un peu comme chaque matin dans votre salle de bain. Mais il y a un truc. Jean-Baptiste Caron s’est formé à la pres­ti­di­gi­ta­tion. Lorsque vous souf­flez douce­ment, de façon à lais­ser de la buée sur la surface, des phrases appa­raissent par magie. « Inspi­rer la vie jusqu’à expi­rer », énonce juste­ment l’une d’entre elles, avant de dispa­raître à nouveau dans le miroir.

Au commen­ce­ment était la parole dit la genèse. Mais le souffle précède le Verbe, et même la lumière. Cette idée de souffle fonda­teur et créa­teur appa­raît dans l’étrange instal­la­tion sonore de Vahan Sogho­mo­nian (on hésite entre des tuyaux de poêle et un orgue en kit). Cette sculp­ture musi­cale est le résul­tat impro­bable d’une expé­di­tion urbex à l’as­saut du plus haut four­neau d’Eu­rope, d’élec­tro­nique et de sons échan­tillon­nés de duduk, la flûte tradi­tion­nelle armé­nienne. On s’as­sied et on contemple avec les oreilles ce souffle d’Ar­mé­nie, « chant du phœnix » comme le défi­nit l’ar­tiste. Juste à côté, grâce à la beauté fragile du verre souf­flé, Debo­rah Fischer ressus­cite des objets en fin de vie trou­vés dans les rues de Paris. Si cette belle expo­si­tion peut se visi­ter le nez au vent, certaines œuvres sont plus diffi­ciles d’ac­cès. Des visites guidées sont orga­ni­sées tous les same­dis à à 16h.

A pleins poumons. Expo­si­tion collec­tive jusqu’au 15 juillet 2023, à la Fonda­tion Bullu­kian, 26 place Belle­cour. Lyon 2e.  Du mardi au vendredi de 10h à 18h, samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h. Entrée libre.