Appe­ler une expo­si­tion RVB ressemble à une petite blague d’ini­tiés, entre loin­tains descen­dants de Guten­berg. RVB, l’acro­nyme de Rouge, Vert, Bleu est la norme colo­ro­mé­trique de nos écrans. Les docu­ments expo­sés sont bien entendu en CMJN, la norme colo­ro­mé­trique des docu­ments impri­més (Cyan, Magenta, Jaune et Noir). C’est le moment de rire, amis graphis­tes… Pour les autres, si vous n’y compre­nez rien, il y a juste­ment un musée pour ça. Le talent de cette expo­si­tion est de partir quasi­ment sur un non-sens, ou plutôt un réjouis­sant esprit de nonsense. Les couleurs ne sont pas là pour convoyer les visi­teurs vers un objec­tif précis, labo­rieux et tech­nique. Au contraire, elles lui ouvrent l’es­prit vers des chemins multiples.

Le laby­rinthe de The Shining.

Ce raison­ne­ment en étoile est bien pratique, puisqu’il permet de juxta­po­ser des éléments du fonds du Musée qui n’ont aucun point commun. Le procédé est proche de la synes­té­sie (la synes­té­sie est le don qu’ont certaines personnes d’as­so­cier des chiffres, des notes de musique ou même des person­nages à des couleurs). Donc Rouge, c’est Stephen King. Pourquoi pas. D’au­tant que ces incur­sions récur­rentes  du musée dans la pop culture  (Miya­saki en prévi­sion) balaie défi­ni­ti­ve­ment l’image pous­sié­reuse du sujet « impri­me­rie » qui persis­tait il y a quelques années encore. Il y a le manteau rouge de  Shel­ley Duvall qui accom­pagne le jeune Danny dans le laby­rinthe de Shining, le seau de sang qui tombe sur Sissy Spacek dans Carrie au le bal du diable… C’est une entrée dans le royaume de King par la voie psycha­na­ly­tique, juxta­po­sée à la symbo­lique de la rose, au logo de Lego en passant par le réalisme sovié­tique et ses affiches de propa­gande.

De Tita­nic aux Beach Boys


Ce prin­cipe, tenant aussi bien du kaléi­do­scope que du buffet garni, asso­cie natu­rel­le­ment le vert à Véro­nèse (et aux fonds verts du cinéma et à l’uni­vers du jeu video Zelda), puis le bleu à Maggie Nelson, auteure de l’ou­vrage Bleuets, dont une partie du texte est exposé en frag­ments (le livre est en vente à la boutique). Pour donner un exemple de l’es­prit taquin qui habite l’ex­po­si­tion (qu’on se rassure elle n’a pas été construite sur un cime­tière indien), dans la partie « bleue » est affi­chée une photo du Tita­nic… en noir et blanc. Parce que, selon le conser­va­teur facé­tieux, « on reste dans l’uni­vers marin, avec égale­ment une pochette des Beach Boys »…. Outre de passion­nants rappels histo­riques sur l’his­toire de ces trois couleurs, on appré­ciera le travail de l’ar­chi­tecte et desi­gneuse Sara de Gouy, notam­ment son fasci­nant  jardin d’en­fants dominé par la couleur.

RVB. Jusqu’au 3 septembre 2023 au Musée de l’im­pri­me­rie et de la commu­ni­ca­tion graphique, Lyon 1er. Du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h. 8 €. 

Jardin d’en­fants de Sarah de Gouy.