Il pratique le comique du type qui ne sait pas quoi dire, le polo rouge en haut et le panta­lon vert trop court, comme son nom l’in­dique. Il débarque sur scène tout étonné, avec la maladresse d’un Peter Sellers égaré dans la Party. Il prend tous les risques, faisant des gestes gênés jusqu’à imagi­ner un spec­tacle en entier qui tourne au fiasco, en se payant le luxe des faux saluts au début du spec­tacle comme un type qui ne pour­rait pas conti­nuer… Gonflé.

Aussi bon mime, impro­vi­sa­teur que sachant jouer des silences et des regards complices, c’est une sorte de Jerry Lewis au ralenti. C’est un sale gosse naïf, aussi enfan­tin quand il s’agit de jouer avec le public que poli­tique quand il s’agit de servir d’un système média­tique dont il se méfie comme une anguille : il s’était servi de feu Laurent Ruquier dans On n’de­mande qu’à en rire pour remplir ses salles avant de program­mer lui-même son départ de l’émis­sion : le jury lui repro­chant de ne pas parler, alors que c’est beau­coup plus dur pour faire rire, il avait imiter un vrai-faux Jean-Luc Dela­rue débi­tant un texte au kilo­mètre, pour mieux se moquer de leur attente.

Depuis, il a conti­nué de creu­ser son sillon à sa façon, limi­tant les dates à Paris pour mieux rester dans sa campagne avec sa famille. Le sale gosse sur scène est aussi un papa gâteau qui est resté un grand enfant avec sa progé­ni­ture.

Chauf­feur de Godard

Il n’aime pas le terme de travail. Son travail, il l’a quitté lorsqu’il était encore dans l’hô­tel­le­rie de luxe, notam­ment au Sofi­tel, certain de vouloir « faire rire ». Pour­tant, il prépare beau­coup, même s’il aime à se lais­ser des espaces de liberté. « Je ne saurais pas monter sur scène avec un spec­tacle huilé, formaté, que je joue­rais indé­fi­ni­ment chaque soir pareil. »

Rien ne lui fait aussi peur que la routine. Il aime jouer de l’ef­fet de surprise. Il n’aime rien tant que les comiques jusque-boutistes qui prennent tous les risques. Coluche d’abord, à qui il doit sa dégaine de clown, mais surtout Andy Kauf­mann, le comé­dien qui a inspiré Man on the Moon à Milos Forman, dont les sommets de naïveté le ravissent. « J’aime ce moment où le spec­tacle se retourne et où les spec­ta­teurs se rendent compte qu’ils ont été dupes.  » Conduire les illu­sions jusqu’à leur terme insoupçonné, voilà un beau programme. « J’ai une forme de comique assez déca­lée, pas forcé­ment actuelle » explique-t-il tranquille­ment.

Vintage avant l’heure, il est main­te­nant devenu à la mode, jouant les seconds rôles au cinéma avec Eric Judor et Blanche Gardin dans Proble­mos tourné en Ardèche, conduc­teur de la 2CV de Godard dans Le Redou­table, portrait du cinéaste avec Louis Garrel, ou encore en burlesque borgne dans Au poste de Quen­tin Dupieux, avec Poel­voorde. Un cinéma bran­ché qui doit bien le faire marrer, et lui permette de garder son indé­pen­dan­ce… pour conti­nuer de faire la sale gosse sur scène.

Marc Fraize de son vrai nom veut main­te­nant « trou­ver une forme d’écri­ture sur la vie quoti­dienne d’aujourd’­hui. Il y a beau­coup de choses de la vie moderne qui nous place face à nos contra­dic­tions les plus intimes. C’est ce que je voudrais explo­rer.  » En fait, il doit être un bosseur. En tout cas un mec bien, unique en son genre, et certai­ne­ment un des grands bonhomme de l’hu­mour aujourd’­hui, même en Kickers. Après sa date à la salle Molière en décembre, le revoilà sur les terres d’Ecully.

Avec son nouveau produc­teur et la grande salle de l’Eu­ro­péen en mars à Paris, on ne devrait pas tarder de le revoir bien­tôt en tour­née. Santé !

Monsieur Fraize dans sa posi­tion préfé­rée (photos BOBY).

Monsieur Fraize au centre cultu­rel d’Ecully. Vendredi 10 avril à 20h30. 20 €. Réser­ver