L’ex­cep­tion cultu­relle, ce sont elles. Alors que le cinéma ou les musées enre­gis­traient sur 2019 une perte de fréquen­ta­tion abys­sale de l’ordre de – 70 %, les librai­ries, elles, se main­te­naient autour de – 3% de moyenne au niveau natio­nal. Une forme de stabi­lité déjà ines­pé­rée, mais qui cache une autre bonne nouvelle : ce sont les plus grosses enseignes qui ont le plus baissé, au profit des librai­ries de quar­tier, « petits commerces » mais grands gagnants de la fin d’an­née passée, comme on a pu le véri­fier auprès des libraires lyon­nais.

La librai­rie l’As­tra­gale, rue de Sèze (Lyon 6e).

L’As­tra­gale super­star

La jeune librai­rie de l’As­tra­gale aux Brot­teaux, une des meilleures de la ville, a fait un mois de décembre « gran­diose », doublant son chiffre d’af­faires de 2019 sur la même période, en attei­gnant 145 000 euros. « On a beau­coup entendu parler des librai­ries, donc les gens y sont allés pour soute­nir les petits commerces » expliquent les tenan­cières. A tel qu’elles ont même pu depuis embau­cher une personne supplé­men­taire. Les librai­ries ont coutume de faire la moitié de leur chiffre sur les trois mois autour de la période des fêtes. Tout se passe comme si les lecteurs avaient voulu rattra­per le temps perdu en confi­ne­ment dès que les librai­ries ont rouvert. « Le click and collect » a permis de limi­ter la casse en période de confi­ne­ment » note de son côté la librai­rie Rive Gauche de la rue de Marseille. Elle aussi a fait une « très bonne année, meilleure que la précé­dente  ». Faute d’offre cultu­relle, les clients semblent donc avoir fait une razzia sur les livres, cadeau facile et idéal pour Noël.

Small is beau­ti­ful : une nouvelle clien­tèle

Auda­cieux au point d’ou­vrir sa librai­rie Les Mangeurs d’étoile à Vaise courant 2020, Lionel Besnier remarque aussi un «  éveil des consciences », compa­rable à l’at­ten­tion aux circuits courts dans l’ali­men­ta­tion. « Il y a eu un soutien très fort de la part des clients habi­tuels mais aussi de nouveaux clients, moins habi­tués, qui ont été au rendez-vous. J’ai l’im­pres­sion que c’est en train de s’an­crer. » Passages, l’aî­née des librai­ries indé­pen­dantes en plein centre-ville, s’en sort aussi «  plutôt bien », la crois­sance écono­mique de la fin d’an­née ayant permis de rattra­per le retard du mois de novembre, malgré le click and collect. Les sorties porteuses d’Histoires de la nuit de Laurent Mauvi­gnier, L’Arabe du futur de Riad Sattouf ou de L’Ano­ma­lie de Hervé Le Tellier, Goncourt qui bat tous les records à bien­tôt 800 000 exem­plaires vendus, ont tous aussi attisé la curio­sité des lecteurs, qui avaient globa­le­ment plus de temps pour se plon­ger dans le livres. Mais la meilleure nouvelle, c’est sans doute le compor­te­ment mili­tant des lecteurs, renforçant l’an­crage déjà bien réel des librai­ries indé­pen­dantes à Lyon. « Les aides ont le mérite d’exis­ter mais elles restent insuf­fi­santes, surtout pour quelqu’un comme moi qui vient d’ou­vrir et n’avait pas de CA l’an­née dernière », explique Lionel Besnier. « Si nous nous en sortons, c’est grâce à la mobi­li­sa­tion des gens, ce sont eux qui ont sauvé les librai­ries. » Une atti­tude dont tout indique qu’elle est désor­mais deve­nue une habi­tude, désor­mais ancrée dans les compor­te­ments. Tant mieux.

Luc Hernan­dez avec Louise Reymond.

Photo Susie Waroude : Sylvain Fourel de la Librai­rie La Voie aux chapitres (Lyon 7e).