A la place du père, il avait dressé le plus beau des tombeaux dans L’Homme des bois en 2017, chro­nique de la dispa­ri­tion pater­nelle dans son Jura natal à la suite d’une mort acci­den­telle restée inex­pliquée. Depuis, cet écri­vain amateur de rap et détrac­teur d’Alain Souchon (une allu­sion du titre), a recher­ché la sienne de place du père en tant que narra­teur, depuis son précé­dent roman, Les Enfants des autres.

Ici, c’est en quelque sorte un amant de passage qui va se surprendre en pater­nel de substi­tu­tion idéal, à l’at­ta­che­ment plus réel qu’une insé­mi­na­tion arti­fi­cielle. Pein­ture du couple qui se cherche sur BO rock, superbe sens de l’ob­ser­va­tion sociale de nombre de person­nages dont on n’en­tend jamais parler au Masque et la Plume, sauf par condes­cen­dance, la petite musique de ce vrai tendre enragé trouve enfin une accal­mie par la trans­mis­sion.

Pier­ric Bailly n’aime pas dire du mal des gens, mais c’est vrai que son narra­teur est “gentil”. Lui-même s’en moque, genti­ment. Avec un sens profond du quoti­dien et de la tendresse entre géné­ra­tions, et un goût parti­cu­lier pour les corps des femmes de plus de quarante ans traduits avec une autre déli­ca­tesse que la dernière céré­mo­nie des César… Une homme bien déphasé qui pren­dra la plus belle des leçons d’un fils le temps d’une virée aux Nuits sonores. “Je ne croyais pas assez en mon person­nage. Je n’étais pas assez investi dans mon rôle.” L’his­toire d’un mec un peu à côté de ses pompes qui va trou­ver sa vraie place dans celle des autres. Une des plus belles défi­ni­tions de la vie.

Pier­ric Bailly, Le Roman de Jim, (POL, 19 €).