Il ne faut vrai­ment pas tenir compte de l’en­seigne. Le Petit ogre n’a rien a voir avec ce type de restau­rant essen­tiel­le­ment quan­ti­ta­tif qui provoque géné­ra­le­ment chez les étudiants du Petit Paumé ce type de remarque : « je pense que je me suis bien rempli la panse ». Au contraire, ce petit établis­se­ment au profil de bistrot cache une gastro­no­mie à part, une sorte de porte entre deux mondes, comme dans Star­gate. En effet, le chef Jules Niang, Peul, de parents séné­ga­lais et mauri­ta­nien, créé chaque jour une passe­relle entre une cuisine afri­caine globale et une gastro­no­mie euro­péenne forte­ment fran­co­phile. Non seule­ment sa démarche produit une cuisine à part, mais aussi un pas de côté abso­lu­ment déli­cieux, comme ce « méli mélo de légumes racines, crous­tillant de mil aux châtaignes, avocat, jus de fenouil, goma­sio, sésame, serpo­let  ».

La salle à manger du Petit Ogre (photos Victo­ria Philippe).

Restau­rant franco-afri­cain

Autant dire tout de suite qu’il n’est pas ques­tion de croco­dile mayon­naise ou de bour­gui­gnon de phaco­chère. Jules Niang le reven­dique, il ne cherche pas à déve­lop­per une cuisine de fusion inter­na­tio­na­li­sable, mais une passe­relle entre deux mondes, l’Afrique et Lyon, où il a choisi de s’ins­tal­ler après diverses expé­riences, comme des études de gestion à Nice, le passage dans diffé­rents restau­rants. Par néces­si­tés pécu­niaires, puis par passion : « Un dialogue, une fric­tion ». Qu’en­tend-il par « cuisine afri­caine », alors qu’il existe une certaine distance et une diver­sité certaine entre le Magh­reb et le Cap ? Le point commun se retrou­ve­rait dans la façon de prendre ses repas : un plat prin­ci­pal et des condi­ments et des sauces à part, que chacun utilise à son goût. Seule­ment Jules Niang l’af­firme : « la façon de manger déter­mine la façon de cuisi­ner, je ne mange pas en Afrique, mais à Lyon ».

56h de cuis­son pour le pale­ron de boeuf

De fait, si les plats se concentrent dans une seule assiette, la parti­ci­pa­tion active de nombreux condi­ments provoque des expé­riences intenses comme ces encor­nets au tama­rin, dans un consommé clair comme de l’eau, qui explose de ras el hanout. Le bar, riz concassé légè­re­ment fumé, légumes pochés et condi­ment évoque le thié­bou­dienne, plat natio­nal séné­ga­lais. Le pigeon se roule dans un jus au massalé ; l’hé­lian­tis, cousin du topi­nam­bour et du tour­ne­sol très proche de l’ar­ti­chaut, le bissap (jus de fleur d’hi­bis­cus) créent de nouveaux terri­toires dans une cuisine de puis­sance et de contrastes très élégante. Le pale­ron de bœuf cuit 56 heures, le mijoté de cerf (frites de banane plan­tain, condi­ments coriandre et noix de cajou), le chou à la vanille caca­huètes valent un dépla­ce­ment immé­diat, toutes affaires cessantes. F.M.

Le Petit Ogre. 15 rue de la Bannière, Lyon 3e. 06 42 66 92 63. Fermé le dimanche. Menus : 28 euros (midi), et 36 euros (soir).