On s’en doute, le nom de ce tout nouveau restau­rant ne fait pas réfé­rence au fusil médié­val qui faisait de gros trous dans les gens. Ici, on ressort non seule­ment indemne, mais en bonne santé morale. Le chef, Jérôme, tenait à rendre hommage à son papy viti­cul­teur et à ce diges­tif déli­cieu­se­ment vintage, issu de l’Eau vulné­raire, médi­ca­ment notam­ment destiné à soigner les bles­sures par… arque­buse. La macé­ra­tion de plantes (génépi, verveine, menthe, mélisse, sauge, thym, valé­riane, mille­per­tuis, camo­mille, tilleul, arnica, gentiane etc.) évidem­ment secrète, évidem­ment créée par des moines (maristes), a été long­temps – on le sait peu – produite à Saint-Genis Laval. On se fera un devoir, ne serais-ce que par goût pour le folk­lore local et parce que c’est bon, de l’uti­li­ser comme coup de l’étrier et en remède contre d’éven­tuelles bles­sures de l’âme (43°).

Toute l’équipe de l’Arque­buse en son seing. (photos Susie Waroude).

Cuisine de bistrot élégante

La carte, courte, cultive une cuisine de bistrot moderne. Nous avons enjambé le plat du jour pour passer direc­te­ment au coeur du réac­teur. On a partagé des aran­ci­nis (boules de risotto panées) jouant à la pétanque sur une sauce au chorizo. Le chef n’hé­site pas à toréer avec les influences. En entrée, le maque­reau, pois­son délaissé (sauf par les bouchons), aujourd’­hui revenu en grâce, tient sa revanche. Genti­ment court-bouillonné, il garde toute sa texture sur une sauce aïoli. Son nid en fila­ments de carotte frits lui apporte une amitié crous­tillante. Les cannel­loni farcis à la ricotta et petits cubes de légumes, respirent à plein tube malgré un cumu­lo­nim­bus de mousse qui les immerge. Excel­lente entrée. L’émul­sion au siphon (une purée de pommes de terre trans­for­mée en nuage en l’oc­cur­rence) rejoint un parfait pale­ron de bœuf fondant. Ça mousse toujours, à l’ail des ours cette fois, sous un aigle­fin frais (si on le fume il se trans­forme en haddock) et linguine à l’encre de seiche. Il ne faut pas croire que le chef Jérôme élabore ses recettes dans un bain mous­sant. Tout est juste bien dosé, très sérieux, bien poli à la lime d’ébé­niste. Peut être un peu trop rond, trop fauteuil profond, pour un palais qui aime les petites touches d’acide, sans cher­cher l’ef­fet Alien de Ridley Scott. Les quelques pickles dissé­mi­nés deci delà peinent à la tâche. On bran­che­rait bien certains plats sur une anode et une cathode, et on sous­trai­rait bien un peu de sucre dans les desserts. Mais ce beau bistrot, élégant par des formes et ses matières, et joli couple (Daphné, impec­cable au service et son asso­cié le chef…, mais on n’en dit pas plus) part sur d’ex­cel­lentes bases.

L’Arque­buse. 6 rue Neuve, Lyon 2e. 04 82 31 41 97. Fermé le dimanche soir. Plat du jour : 15 euros. Menu-carte : 30 euros.