Juste avant, il y avait La Bijou­te­rie, et main­te­nant voilà que l’adresse, courue, notoire, se trans­forme en Morfal. On pour­rait imagi­ner que la poli­tique des petits plats à voca­tion gastro­no­mique s’est trans­for­mée en banquet d’As­té­rix. Une côte de bœuf par assiette et une pelle­teuse en guise de four­chet­te… Il n’en n’est rien. Le concept de goin­fri­tude n’est pas dans l’as­siette, mais dans la volonté du chef, trau­ma­tisé par le confi­ne­ment, de saisir la vie et ses envies de cuisine à pleines dents. D’ailleurs, ce sont les mêmes person­nages qui jouent une nouvelle pièce. Le chef Arnaud Laver­din s’est mis en retrait, pour lais­ser la place de capi­taine à Steven Thie­baut-Pelle­grino, son second, désor­mais asso­cié. De fait, il n’ y a pas de chan­ge­ment radi­cal de style, on est toujours en cabine dans la super­struc­ture, bien au dessus de la ligne de flot­tai­son. En revanche, les tarifs ont fondu comme des glaçons en terrasse. La carte se présente comme une liste de petits plats de 3 à 9 euros, du concombre tsuke­mono au lieu noir glaçage gochujang. « Au secours, reviens Cham­pol­lion », vous excla­mez-vous.

Steven Thie­baut-Pelle­grino au travail. (photos Susie Waroude)

Influences asia­tiques

Les problèmes séman­tiques tiennent aux nombreuses influences asia­tiques qui irriguent la liste d’une dizaine de plats, qu’il serait réduc­teur et déva­lo­ri­sant de quali­fier de tapas. Même s’il y a un ajo blanco (soupe espa­gnole liquide à l’ail et aux amandes) rebooté en crème à la noix de cajou et recou­vert de fines tranches de cour­gettes.. On est ailleurs. Amina, au service volée, ou même le chef pirate Steven (tatouages, barbe et bandana) vous expliquent tout . Tsuke­mono est une tech­nique japo­naise de macé­ra­tion ; gochujang est un condi­ment coréen à base de piments rouges. Les pots de pickles, légumes en fermen­ta­tion (nouvelle expé­ri­men­ta­tion, le melon), bocaux mysté­rieux, dorment sur les range­ments au dessus de la cuisine ouverte, évoquant un écha­fau­dage. Le message est simple : « work in progress ». « La cuisine c’est plus que des recettes » disait Alain Chapel. C’est aussi une expé­rience, des idées qui pulsent et des rencontres. Ainsi ces cœurs de canard au barbe­cue tein­tés de yuzu, cette tête de veau en fines lamelles grillées sur pain au levain percu­tée de sauce chimi­churri. A un moment, Steven, semble avoir décidé de souder des tuyaux dans sa cuisine. En fait, il passe des asperges vertes au chalu­meau. Le petit goût fumé d’après incen­die se marie avec une sauce gribiche condi­men­tée de prune japo­naise macé­rée au sel. En fait, ça ne se raconte pas. Il est plus simple d’y aller.

Morfal. 16 rue Hippo­lyte-Flan­drin, Lyon 1er. 04 78 08 14 03. Ouvert du lundi au samedi le soir et samedi et dimanche à midi. A la carte : comp­ter entre 25 et 35 euros. Verre de vin d’Al­sace atypique, sec excellent, La Grange de l’oncle Charles (13 cépa­ges… des idées de poire et de pomme, du raisin bien sur) : 6 euros.