En dégus­tant de remarquables accras de cabillaud, sauce « samou­raï  » de folie et petites notes d’acide, nous est apparu l’idée un avenir radieux. Les spécia­listes en pros­pec­tive décli­niste vous affir­me­ront que le pire est toujours sûr. L’évo­lu­tion de la rue Mercière dit le contraire. Cette artère touris­tique, presque exclu­si­ve­ment dédiée à la restau­ra­tion, aurait pu virer, comme une andouille (arf), en Las Vegas de l’an­douillette moulée à la louche, doublée de burger­land et de termi­naux de cuis­son de plats indus­triels.

Et pour­tant la vraie cuisine de passion résiste. On vous avait dit tout le bien qu’on pensait des Infi­dèles (au n°57), voici Bellie (ventre en english) au n°61. Pour commen­cer, on peut appré­cier la déco, notam­ment la fresque spec­ta­cu­laire masquant judi­cieu­se­ment la porte des toilettes. Elle est signé Grems, notoire « artiste urbain multi­dis­ci­pli­naire ».

Gilles, Elisa, Alex et Walid du Bellie. (photos Susie Waroude)

La vraie cuisine de la rue Mercière

C’est en allant visi­ter cette œuvre que Gilles, tatoué, percin­gué, super­sympa, est ressorti avec une embauche de serveur. On a pu appré­cier aussi le parcours d’Élisa, chan­teuse de jazz en rupture de cordes vocales, au service et au sourire solaire. Louis Armstrong accom­pa­gnait en bande son notre apéri­tif (Côte du rhône blanc Chaume-Arnaud, ample, gras mais vif).

Quant au chef Alex, il est offi­ciel­le­ment auto­di­dacte, mais vient de chez Racine à Vaise, ce qui vaut mieux qu’un diplôme. Son second, Walid, a baroudé entre la fron­tière suisse, la côte d’Azur et le Pays de Galles. Toute cette éner­gie posi­tive, issue de tous hori­zons, ici concen­trée, se retrouve dans l’as­siette. Ainsi cette lapi­daire « lotte beurre noisette » réin­car­née dans une Asie hypo­thé­tique sur une émul­sion de coco et pois cassé, accom­pa­gnée de lamelles de concombre (grosses) et de fenouil (fines).

On n’est jamais égaré quand deux éléments fonda­men­taux de la cuisine sont là : la cuis­son et l’as­sai­son­ne­ment, parfaits. En bonus : une herbe mécon­nue, la tagète, au petit goût déli­cieu­se­ment acidulé, et qui acces­soi­re­ment soigne des morsures de serpent au Mexique. Les réfé­rences à la cuisine de rue sont reven­diquées, mais upgra­dées comme cette sauce samou­raï qui mélange dans une base mayo/harissa une brunoise d’oi­gnon et d’écha­lotes, de la sauce srira­cha et du paprika fumé. Cendrillon deve­nue prin­cesse. A la carte du soir on sert un kebab d’épaule d’agneau sauce algé­rienne sur une poivro­nade et en tous les cas un plat sans produits animaux, par enjeu et goût de l’ex­pé­ri­men­ta­tion. Car un des cuisi­niers est végane. « Ici c’est le labo­ra­toire du kif  » résume le chef.

Bellie. 61 rue Mercière, Lyon 2eme. 04 72 41 90 47. Ouvert tous les jours. Menu déjeu­ner : 24 euros. Soir : plat à parta­ger entre 9 et 14 euros. Desserts (goûtez le fraise/concombre/chan­tilly basi­lic hyper rafraî­chis­sant) : 7 euros. Jolie petite cave de vins essen­tiel­le­ment nature. Au verre à partir de 5 euros.