On l’aime depuis ses débuts en 2018. La Muti­ne­rie à Lyon 6e vient de rece­voir une étoile Miche­lin bien méri­tée, la qualité n’ayant jamais bais­sée depuis que nous l’avions testé. Pour les retar­da­taires, c’est le moment de grim­per sur le pont.

Les ques­tions le plus souvent posées à un chro­niqueur gastro­no­mique sont « comment fais-tu pour ne pas être (encore) plus gros en allant tout le temps au restau­rant » et « est-ce que tu as décou­vert une nouvelle adresse d’en­fer, je dois invi­ter ma copine/mon copain au resto  ». Passons sur la première ques­tion, malplai­sante, pour s’in­té­res­ser à la seconde partie. La voilà, la nouvelle adresse qui sort du lot, et nous l’écri­vions en ces termes dès l’ou­ver­ture de cette adresse lyon­naise incon­tour­nable, aujourd’­hui couron­née d’une étoile Miche­lin.

La Muti­ne­rie, malgré un nom de pub à bières pour la Saint-Patrick, s’im­pose déjà comme un des bons sommets de la gastro­no­mie locale qui, sans riva­li­ser avec l’Hi­ma­laya, à part peut-être pour les tarifs, ressemble de plus en plus à la chaîne des Alpes. Le chef Nico­las Seibold est passé chez Anne-Sophie Pic, Yannick Alleno et Chris­tian Tête­doie (avec un petit crochet chez Arse­nic, pépi­nière de jeunes auteurs cuisi­niers). Il est évident qu’il n’était pas là pour faire la plonge.

Ce qu’on a mangé, il y a peu de chances pour que vous le rencon­triez à nouveau. Le chef n’an­nonce pas les plats sur la carte. L’ave­nant Thomas, pro mais pas avaleur de cintres, s’en charge. Le reste joue sur une gamme de produits du moment, travaillée à l’ins­tinct, choco­lat, fenouil, hibis­cus, tour­teau, vinaigre de cerise, oseille, omble cheva­lier, etc. à partir desquels il impro­vise.

On est plus dans le jazz que dans le livret d’opéra. Cepen­dant, La Muti­ne­rie ne joue pas aux révol­tés du Bounty. On reste moderne, mais sage, avec une recherche évidente sur la concen­tra­tion des saveurs.

Ainsi, le jus léchant un veau « en deux façons », pale­ron confit et épaule hachée mêlée de lard italien, magni­fique­ment réduit, ou un navet en fine purée d’une puis­sance à faire rouler un végé­ta­rien par terre. On a retrouvé cette implo­sion de goûts dans la plupart des plats : omble cheva­lier en grav­lax, vinai­grette au jus de pome­los et nuage de fenouil ou un éton­nant et heureux mariage terre-mer de bulots et ris d’agneau, avocat et émul­sion de coquillages, surpris de leur coup de foudre inter­eth­nique.

Sans parler de cet incroyable sorbet à l’es­tra­gon, plus musclé que l’herbe telle quelle, complé­ment érup­tif d’un baba aux cerises. Cela dans un cadre épuré, mais para­doxa­le­ment avenant et chaud, grâce à une teinte terre de sienne terra-cotta brique, qui a fait dire à un client « tiens, dans votre resto, on se croi­rait à Roland-Garros  ». On est battus !

La Muti­ne­rie. 123 rue Bugeaud, Lyon 6e. 04 72 74 91 51. Fermé dimanche et lundi. Ouvert du mardi au samedi soir, vendredi et samedi midi. Menu à la confiance du chef : 55 € le midi / 85 € le soir. Photo : Olivier Chas­si­gnole.