L’Homme à tête de chou est un des premiers disques que vous aviez acheté ado ?

Jean-Claude Gallotta : Oui, j’avais un ami rockeur qui m’avait dit qu’il fallait abso­lu­ment écou­ter ça. L’al­bum a fait un bide à l’époque (1976, ndlr), mais est il est devenu culte pour nombre de musi­ciens de part sa concep­tion très nova­trice. Moi je le voyais comme un film avec une conti­nuité, mais je ne m’in­té­res­sais pas encore à la danse à l’époque et j’ima­gi­nais encore moins en faire une choré­gra­phie un jour !

Il y a dix ans, c’est vous qui avez choisi Bashung pour le réen­re­gis­trer pour votre spec­tacle ?

Oui, un produc­teur m’a proposé ce projet et j’ai tout de suite dit ok. Bashung avait donné un concert en 2004 à Grenoble pour l’inau­gu­ra­tion de la nouvelle MC2 où je travaillais. Il voulait déjà que e fasse des choré­gra­phies pour ses concerts, mais la mort dans l’âme j’ai dû décli­ner, j’étais trop par mon spec­tacle de réou­ver­ture. On s’est croi­sés et il m’a dit comme un présage en coulisses : « On se retrou­vera ».

J’ai donc tout de suite pensé à lui quand on m’a proposé L’Homme à tête de chou, d’au­tant que j’étais fan et qu’il incar­nait pour moi le rock français. Mais il était encore en pleine gloire, bardé d’agents même s’il gardait sa liberté. Mon produc­teur n’y croyait pas trop mais je lui ai dit « essayons » et Bashung a tout de suite dit «  oui  ». Il était adorable, il a pris le projet au sérieux très tôt, on travaillait dans les hôtels de Grenoble très en amont. Il faisait déjà des essais de rythmes et de tempos en me deman­dant ce qui pouvait aller pour ma choré­gra­phie…

J’étais gêné, au début, je n’a pas forcé­ment de plan très précis, je travaillais à l’ins­tinct et j’ai tendance à lais­ser les choré­gra­phies ouvertes aux quatre vents des émotions. Malheu­reu­se­ment, assez vite il est devenu malade et heureu­se­ment il avait enre­gis­tré la bande-son d’es­sai qu’on entend dans le spec­tacle avant de ne plus avoir de souffle. On a même gardé les erreurs, comme lorsqu’il dit « maman » au lieu de « moment ». Il savait que ce serait son testa­ment et c’est lui qui voulait que le spec­tacle existe, sinon je n’au­rai jamais pu.

C’est moins diffi­cile de le reprendre aujourd’­hui ?

C’est certain. J’aime beau­coup reprendre les spec­tacles en géné­ral, les miens ou ceux des autres. On est comme des auteurs de théâtre, il faut qu’on soit joué pour exis­ter. Mais si le spec­tacle a été un succès, il entrait en pleine colli­sion avec le deuil pour nous. C’était donc très compliqué, assez doulou­reux même, sur le moment. Quand le prin­temps de Bourges a voulu le reprendre pour les 10 ans, je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée : il y a une joie et une éner­gie dans le spec­tacle qu’on retrouve aujourd’­hui avec plai­sir, plus faci­le­ment, même s’il garde sa dimen­sion testa­men­taire.

Vous basez-vous sur les vidéos pour reprendre vos choré­gra­phies ?

Oui, je crois qu’a­vec Claude Mourié­ras (cinéaste et direc­teur de la Ciné-fabrique à Lyon), on a réalisé la première vidéo-danse au début des années 80. On s’est d’ailleurs pris une volée de bois vert à l’époque de la part des gens du spec­tacle vivant qui nous repro­chait de « mettre en conserve » les spec­tacles, alors que c’était tout le contraire, on leur permet­tait d’exis­ter dans le temps.

Vous vous êtes aussi pris une volée de bois vert en abor­dant le rock et l’éro­tisme au fémi­nin qui va avec ?

Oui, c’est vrai­ment le rock qui m’a nourri avant la danse. Dans mes premiers spec­tacles, j’ai pu me faire conspuer mais pour moi ce n’était pas de la provoc, c’était comme le fait le rock une façon de trans­gres­ser l’ordre établi de manière poétique pour la faire parta­ger par le plus grand nombre. L’éro­tisme chez Gains­bourg ou Bashung peut-être cru mais il garde quelque chose de poétique.

Comment avez-vous choré­gra­phier Varia­tions sur Mari­lou, sommet de rock érotique?

C’est déjà très beau en soi, il ne faut surtout pas en rajou­ter. J’ai essayé de rester dans un entre-deux autour de deux plans : Mari­lou qui se trémousse et les danseurs qui figurent la musique derrière elle. L’idée de la varia­tion rejoi­gnait mon amour pour Cunnin­gham, que j’avais déjà essayé de lier à la musique : dans My rock, j’avais imaginé une rencontre entre Cunnin­gham et Elvis qui étaient contem­po­rains dans les années 50 sans jamais se connaître. Après Ladies Rock autour des rockeuses, c’était un peu une façon pour moi de boucler une trilo­gie. »

Propos recueillis par Luc Hernan­dez

L’Homme à tête de chou, choré­gra­phie de Jean-Claude Gallotta, musique de Gains­bourg chanté par Bashung. Du mardi 11 au vendredi 14 février à 20h30 à la Maison de la danse, Lyon 8. De 22 à 44 €. maison­de­la­danse.com

Vous pouvez voir un extrait du spec­tacle sur Nume­ri­danse, le site de la Maison de la danse, << ici >>.