Entre­tien avec Jean Bello­rini, direc­teur du TNP de Villeur­banne à l’oc­ca­sion des 101 ans du théâtre.

Le direc­teur du TNP à Villeur­banne fête joyeu­se­ment le cente­naire d’une maison à l’his­toire excep­tion­nelle, sans nostal­gie et réso­lu­ment tourné vers l’ou­ver­ture et l’ave­nir.

Les 100 ans du TNP ayant été déca­lés pour cause de Covid, vous fêtez les 101 ans cette année. N’est-ce pas plus joyeux fina­le­ment ?
Jean Bello­rini : « Oh oui, c’est mieux ! C’est beau­coup plus joyeux juste­ment. Ce sont clai­re­ment les 100 prochaines années qu’on fête plutôt que les cent dernières. Et si j’ai une contri­bu­tion person­nelle dans cet anni­ver­saire, c’est cette créa­tion que je fais avec des jeunes gens de la troupe éphé­mère. Pour autant, il ne faut pas faire table rase du passé et il s’agit évidem­ment de parta­ger toute cette histoire, qui n’est fina­le­ment pas si connue. Après, je préfère toujours faire du théâtre et il s’agit avant tout de fêter la reprise des spec­tacles !

Quelle image aviez-vous du TNP avant d’y venir, peut-être même avant d’avoir été metteur en scène ?
Je vais être très honnête, je connais­sais un peu l’his­toire de Jean Vilar mais je n’avais pas compris que c’était Gémier et le théâtre ambu­lant à l’ori­gine. Ça m’a permis aussi de comprendre comment le TNP est arrivé à Villeur­banne en 1972, ce qui n’est pas si clair pour beau­coup de gens.

ça ira, Fin de Louis de Joël Pomme­rat ouvrira les festi­vi­tés du cente­naire sur la grande scène du TNP le 9 septembre. (photo Elisa­beth Carre­chio)


Comment ça s’est passé ?
C’est un coup de bluff de Roger Plan­chon à qui on avait proposé d’al­ler à Chaillot où était alors le TNP. Il a répondu que le TNP vien­drait à lui ! En réalité, le TNP de Villeur­banne restait le théâtre de la Cité de Roger Plan­chon et c’est ça qui est formi­dable. Il n’est pas dans la copie ni dans un faux héri­tage, mais dans sa propre conti­nuité.

En 2022, on fêtera dans la foulée les 50 ans du TNP à Villeur­banne et il s’agit bien de fêter le théâtre ambu­lant de Firmin Gémier et le théâtre de la Cité de Roger Plan­chon, c’est-à-dire deux figures à rebours du moule du théâtre pari­sien, à la rencontre des vrais gens avec une cara­vane ou un train de théâtre.Ça capo­tera mais après la guerre, c’est Jeanne Laurent, grande figure du théâtre qu’on oublie trop souvent, qui choi­sit Vilar qui venait de créer le festi­val d’Avi­gnon.

La grande histoire de Vilar débute. J’ai le senti­ment peut-être que vous vous situez davan­tage dans cet esprit d’ou­ver­ture cher à Plan­chon… Je ne veux pas me situer, je ne sais pas forcé­ment où je suis et on ne décrète pas son héri­tage ! J’ai une appé­tence pour les textes, on pour­rait dire que c’est Vilar. Mais j’ai aussi envie de program­mer Ange­lica Lidell, du jeune public et de la musique, et ça, ce serait plutôt Plan­chon effec­ti­ve­ment. Estam­piller les choses est un des maux de notre époque à mon avis. J’es­saie de faire un
théâtre qui me ressemble mais je programme pour tout le monde, pour que chacun s’y retrouve. Une assem­blée de théâtre popu­laire c’est une assem­blée de gens diffé­rents. Le TNP ne m’ap­par­tient pas, je m’ins­cris dans cette histoire en faisant humble­ment mon bout de chemin. Je trouve magni­fique de fêter cette histoire extra­or­di­naire, mais il s’agit avant tout d’être joyeux et de faire du théâtre. »

« On ne décrète pas son héri­tage »

Jean Bello­rini

Il y a peu de lieux qui sont encore acco­lés aux termes « natio­nal » et « popu­laire » en susci­tant de l’en­goue­ment…
Oui, c’est une des réus­sites de cette fabu­leuse histoire. Mais contrai­re­ment à ce qu’on croit parfois, il n’y avait pas autant d’ou­vriers que l’au­rait souhaité Jean Vilar à l’époque, à peine 3 ou 4 % selon les premières enquêtes de public. Les quêtes d’un théâtre popu­laire restent les mêmes et c’est bien de se le dire. Depuis la nuit des temps, les gens ne vont pas natu­rel­le­ment au théâtre et pour­tant, on veut un public le plus diver­si­fié possible, qui raconte le monde, mais qui soit aussi singu­lier pour chaque artiste. Le théâtre a toujours eu les mêmes problé­ma­tiques. »


Le TNP a 101 ans Du 9 au 26 septembre
• Dix rencontres, quatre spec­tacles dont Ça ira, fin de Louis de Joël Pomme­rat (lire notre critique dans le dernier numéro d’Exit, p68).
• Lance­ment du cente­naire jeudi 9 septembre à 17h au TNP à Villeur­banne, par Jean Bello­rini.
Et d’autres que moi conti­nue­ront peut-être mes songes, textes de Firmin Gémier, Maria Casa­rès, Gérard Phili­pe… Mise en scène Jean Bello­rini. Samedi 25 à 20h et dimanche 26 septembre à 16h (annoncé complet). De 5 à 7 €.
• Soirée spéciale Le TNP a 101 ans avec Jean Bello­rini, Michel Bataillon et Thierry Frémaux. Jeudi 16 septembre à 19h, suivie de la projec­tion d’Une aussi longue absence, de Henri Colpi avec Georges Wilson. Insti­tut Lumière, Lyon 8e. 9/10 €. Plusieurs films sont proje­tés à l’Ins­ti­tut Lumière dans les prochaines semaines en lien avec le cente­naire du TNP.