Virus a quelque chose prémo­ni­toire: au cours du jeu, il est ques­tion de masque en trop faible quan­tité, de recherche de vaccin, de confi­ne­ment et de crise écono­mique. D’où vous est venue cette idée de créer une simu­la­tion de pandé­mie ?

Yan Duyven­dak: “Un de mes amis méde­cin, Philippe Cano, travaillait pour l’Union Euro­péenne. Il était chargé de créer des simu­la­tions basées sur Ebola pour prépa­rer les gouver­ne­ments à réagir face aux épidé­mies. J’ai trouvé ça passion­nant et j’ai eu envie de l’adap­ter pour deux raisons. La première, c’est que tous les gouver­ne­ments se retrou­vaient dému­nis face aux virus. Aucun n’avait vécu de pandé­mie ni ne connais­sait le virus à l’époque. Ils ont réagi avec leur instinct et leurs tripes. Tout le monde peut donc jouer à cette simu­la­tion car nous sommes tous menés par le même moteur : la peur. La seconde donnée qui m’in­té­res­sait, c’était l’as­pect colla­bo­ra­tif. Tous les acteurs doivent coopé­rer pour réus­sir à endi­guer la pandé­mie. Nous avons donc trans­posé ces scéna­rios avec un virus possible, la grippe aviaire, dont l’OMS prévoit une pandé­mie pour 2025. 

Après le confi­ne­ment et alors que la pandé­mie n’est pas termi­née, vous avez fait le choix de main­te­nir les repré­sen­ta­tions de Virus. C’est une déci­sion qui peut paraître gonflée…

Nous avons eu un moment d’hé­si­ta­tion avec l’équipe. Nous pensions ne plus avoir assez de distance pour nous y remettre. Mais quand le Covid-19 s’est propagé dans le Wuhan, on a ressenti un premier vertige. Nous avions tous les scéna­rios possibles entre les mains et on voyait que le gouver­ne­ment chinois prenait les mauvaises déci­sions. Puis le virus est arrivé en France et là, second vertige. Tout ce qu’on vivait était écrit dans la simu­la­tion! On avait l’im­pres­sion d’avoir le manuel entre nos mains. J’ai donc décidé de main­te­nir les repré­sen­ta­tions pour que les citoyens puissent se servir de ce spec­tacle parti­ci­pa­tif comme d’un exutoire et pour reprendre le contrôle le temps d’une repré­sen­ta­tion. Avant les parti­ci­pants trou­vaient la situa­tion drôle et avaient du mal à s’in­ves­tir. Aujourd’­hui, nous avons perdu cette distance: nous sommes passés du dysto­pique au cathar­tique. 

« Faire de la perfor­mance en inté­grant le public est ma façon d’abor­der les sujets de société »

Yan duyven­dak
Yan Duven­dak en son costume. (photo Bak Gnen­borg)

Avez-vous dû adap­ter les diffé­rents scéna­rios?

Nous n’avons rien changé, si ce n’est la popu­la­tion qui est passée de théo­rique à repré­sen­tée sur le plateau par des personnes du public, au même titre que les autres groupes de la société, comme les cher­cheurs, la police, le gouver­ne­ment… Lors du premier crash-test depuis le Covid-19 réalisé aux Subsis­tances en juillet, nous avons remarqué que le compor­te­ment des autres groupes à l’égard de la popu­la­tion avait changé. Avant, la Santé donnait tous les masques aux personnes impor­tantes, comme au gouver­ne­ment, main­te­nant elle les donne à la popu­la­tion. 

Vos projets ressemblent plus à des jeux de rôle qu’à des spec­tacles. Est-ce impor­tant pour vous de faire parti­ci­per le public?

Je viens de la perfor­mance où j’in­té­grais déjà le public dans les proces­sus. C’est ma manière d’abor­der des sujets de société. Je ne fais pas la leçon mais je donne le pouvoir aux gens tout en leur montrant qu’ils ont les moyens d’agir. Ils deviennent des “spect-acteurs” au sein d’une micro-démo­cra­tie.”

Virus, de Yan Duyven­dak, en colla­bo­ra­tion avec Philippe Cano et Kaedama. Du jeudi 14 au samedi 16 octobre à 20h (sam 14h et 21h) aux Subs, Lyon 1er, en parte­na­riat avec le festi­val Sens inter­dits. De 13 à 16 €.