La Guerre d’Al­gé­rie est-elle encore présente dans notre société ? La Crèche de François Hien revient sur l’af­faire Baby-Loup autour d’une employée licen­ciée pour avoir refu­ser d’ôter son voile. Et ausculte les contra­dic­tions de notre société avec intel­li­gence, jusque dans l’in­time.

En 2008, les Français assistent à l’un de ses feuille­tons média­tiques qui viennent ponc­tuel­le­ment scin­der l’opi­nion publique : l’af­faire Baby-Loup. Dans un quar­tier modeste des Yvelines, la direc­tion de la crèche Baby-Loup décide de licen­cier une sala­riée pour faute grave. Le motif ? Celle-ci refuse de reti­rer son voile pour travailler. Sur ces braises, l’em­bal­le­ment média­tique et judi­ciaire vient jeter de l’huile sur le feu et dans la caco­pho­nie ambiante plus personne n’ar­rive dès lors à s’écou­ter.

Deux inter­prètes de La Crèche. (photos Juliette Pari­sot)

Le voile, une frac­ture qui divise la société

C’est juste­ment pour remettre du sens sur ce méca­nisme que François Hien s’est attaqué à cette histoire. Déjà mise en scène en 2017, on assiste ici à une « recréa­tion » de la pièce. Habi­tué à mettre en scène un théâtre docu­menté, il s’est appuyé sur un long travail d’enquête pour l’écrire, et a même rencon­tré quelques-uns des prota­go­nistes pour construire ses person­nages et leur donner de l’épais­seur.

La Crèche, recons­ti­tuée sur la scène du TNP. (photos Juliette Pari­sot)


La guerre d’Al­gé­rie peut-elle être encore présente dans la crèche ?


Au fur et à mesure de la pièce, le conflit prend de l’am­pleur, devient un symbole du « repli
commu­nau­taire
 » d’un côté, symp­to­ma­tique de «  l’op­pres­sion isla­mo­phobe » de l’autre et
dépasse les simples murs de la crèche. Les frac­tures qui divisent la société s’in­vitent dans la garde­rie. Comme le résume une employée : « La guerre d’Al­gé­rie peut-elle être encore présente dans la crèche ? ».

Malgré tout, la pièce entend bien faire du théâtre et rester une fiction. C’est même lorsqu’elle s’aven­ture du côté de l’in­time qu’elle déploie le plus d’en­ver­gure. Jamais sommé de prendre parti, le
spec­ta­teur est invité à comprendre les contra­dic­tions, les cris­pa­tions des person­nages
grâce à une mise en scène qui le place des deux côtés de la scène. Il faut souli­gner aussi la qualité de la troupe dans une inter­pré­ta­tion natu­ra­liste et complexe, tout en nuances. Une pièce inévi­table.


La Crèche, méca­nique d’un conflit de François Hien, mise en scène collec­tive. Jusqu’au 1er mars au
TNP à Villeur­banne, petit théâtre, salle Jean Bouise à 19h30 (jeu 19 h, dim 16 h, relâche le lundi, relâche
excep­tion­nelle dimanche 19 février. ) Durée esti­mée : 2 h 40. De 7e à 25 €.

Artiste asso­cié, François Hien reprend aussi ses autres pièces, La Peur et Olivier Masson doit-il mourir ? les mardis soirs au TNP.