C’est un peu les Vamps en version napo­li­taine. Comé­diens d’ex­cep­tion, Salva­tore d’Ono­frio et Carmine Marin­gola incarnent « Les Deux Vieilles« , selon le titre du conte origi­nal du XVIIe siècle napo­li­tain de Giam­bat­tista Basile (il inspira par la suite jusqu’aux frères Grimm et Charles Perrault). Ils sont on ne peut plus impres­sion­nants dans leur duo travesti, à la fois athlé­tiques – quand il s’agit de jouer le burlesque – et émou­vants quand il s’agit d’in­car­ner la vieillesse dans leur bas trop grands et leurs sous-tifs trop petits… Entre se sucer l’in­dex jusqu’à ce qu’il « soit lisse comme celui d’un enfant« , « char­ger le canon » et forniquer sous les draps, on voit bien ce qui a pu séduire l’en­fant terrible du théâtre italien qu’est Emma Dante dans cette fable drôle, cruelle et mélan­co­lique.

Salva­tore d’Ono­frio et Carmine Marin­fola, les « deux vieilles » du conte de Basile.

Ces deux petites vieilles attendent la venue du roi comme on attend Godot. La scéno­gra­phie de tréteaux avec pour seul décor un château minia­ture à la façon Disney posé entre elles sur un petit esca­beau est toujours aussi ludique. Mais l’ou­trance perma­nente de la direc­tion d’ac­teurs semble vouloir compen­ser la faiblesse de ce texte adap­tée par la metteuse en scène, atté­nuant la perfor­mance excep­tion­nelle des deux acteurs.

Pupo di Zucchero mis en scène par Emma Dante. (photos Chris­tophe Raynaud de Lage)

Pupo di Zucchero, une fête des morts sans deuil

Tout l’in­verse se produit avec Pupo di Zucchero (Poupée de sucre) un peu plus tard dans la soirée. Un vieil homme malaxe sa poupée de sucre le jour de la fête des morts selon la tradi­tion napo­li­taine, entou­rée de jeunes femmes qui chantent avec lui. On est plateau sur fond noir, on le restera. Emma Dante fait à nouveau jouer ses acteurs sous les draps, et adapte à nouveau Giam­bat­tista Basile en plaquant dessus ses thèmes de prédi­lec­tion : un sein à l’air par-ci, et une séquence de femme battue brutale et réaliste, gênante puisqu’elle n’a rien à faire là… Au bout d’une demi-heure, la paresse de la metteuse en scène guette, faisant passer le temps avec une mini-séquence de comé­die musi­cale à paillettes de… trente secondes.

L’idée de commu­nier de façon joyeuse avec les morts est magni­fique. Emma Dante ne s’en donne jamais les moyens dans cette mise en scène au rabais. L’ar­ri­vée de marion­nettes défuntes pendues sur deux portants en forme de croix aborde enfin le sujet de la pièce… pour la finir. On n’est pas sûr que nous n’au­rions pas eu plus d’émo­tions devant de véri­tables reliques. D’au­tant que le brave homme qui joue le person­nage prin­ci­pal prend bien le temps d’al­lu­mer chaque bougie une à une au pied des défunts pour être sûr de porter la durée du spec­tacle à 1h… Et pour­tant, on n’aura d’ailleurs jamais ressenti le moindre deuil, fut-il joyeux, encore moins à travers la musique d’as­cen­seur de piano surgelé qui vient trop souvent enva­hir la scène vide.

Le tableau final de Pupo di Zucchero.

Grands sujets, petites pièces, c’est tout à l’hon­neur du théâtre des Céles­tins que d’of­frir un parcours en une soirée autour d’une artiste inter­na­tio­nale, mais ce ne sont sans doute pas ces deux spec­tacles sures­ti­més d’Avi­gnon qui rendent justice à la répu­ta­tion d’Emma Dante, se conten­tant ici de ripo­li­ner des textes anciens. Dommage.

Deux spec­tacles libre­ment inspi­rés de Giam­bat­tista Basile, mise en scène d’Emma Dante, jusqu’au 25 mars. La Scor­te­cata à 18h30, petite salle La Céles­tins. Pupo di Zucchero à 21h, grande salle.

Théâtre des Céles­tins, petite salle la Céles­tine, Lyon 2e. De 7 à 40 €.