Les fantômes gran­dissent dans le silence. Un silence qui peut se trans­for­mer en combus­tible, jusqu’à deve­nir haute­ment explo­sif. Ce sont ces silences qu’a choisi d’ex­plo­rer Arnaud Meunier avec cette adap­ta­tion du texte de Laurent Mauvi­gnier. Un thril­ler intime et intense qui flirte avec le fantas­tique, avec Philippe Torre­ton et Anne Brochet. 

Le premier fantôme, c’est celui d’une petite fille qui s’est arrê­tée de gran­dir à six ans. Dix ans aupa­ra­vant, elle a disparu sans lais­ser de trace. La pièce s’ouvre lorsque ses parents reviennent sur les lieux du drame, à l’oc­ca­sion de l’en­ter­re­ment du grand-père. Un deuxième fantôme qui vient faire la leçon aux vivants, les renvoyant à leur hypo­cri­sie. Tout aurait pu conti­nuer ainsi, lorsqu’une mysté­rieuse ado se présente à la porte. Elle prétend savoir ce qui est arrivé à leur fille. La mère doute. Le mari s’en­tête. Leur couple va voler en éclats. 

Anne Brochet et Philippe Torre­ton. (photos Pascale Cholette)

Anne Brochet et Philippe Torre­ton excellent

La mère est fragile, évanes­cente et incons­tante. Le père lui, telle­ment borné qu’il en devient aveugle. Anne Brochet et Philippe Torre­ton excellent dans l’in­ter­pré­ta­tion de ce couple à fleurs de peau, aux anti­podes l’un de l’autre et dysfonc­tion­nel. Dans ce drame fami­lial, les trau­mas sont cachés entre les mots. Un espace aussi impor­tant que le texte lui-même. Pour faire émer­ger ses silences, on peut comp­ter sur la langue de Laurent Mauvi­gnier. Ses mots tournent autour des tabous comme les vautours au-dessus d’une carcasse. 

Un final d’une grande violence

La mise en scène d’Ar­naud Meunier oscille en perma­nence entre réalisme et méta­phy­sique. À mesure que le récit avance, la maison s’obs­cur­cit. Les ombres se relèvent, avant un final d’une grande violence où la honte et la haine se dévoilent enfin. Une pièce d’une grande inten­sité. 

Tout mon amour de Laurent Mauvi­gnier. Mise en scène d’Ar­naud Meunier. Jusqu’au vendredi 7 avril à 20h (sauf dim 16h), au théâtre des Céles­tins, grande salle, Lyon 2e. De 7 à 40 €.