C’est un des plus beaux spec­tacles qu’on ait vu au théâtre ces dernières années. Créé au théâtre de l’Ely­sée, passé par le TNP, Illu­sions d’Ivan Viri­paev dans la mise en scène d’Oli­vier Maurin revient à l’Ely­sée à la Guillo­tière. Un quatuor d’amours à ne pas rater.

Avec Illu­sions, nous voilà conviés à un drôle de banquet, autour de deux longues tables aux verres d’eau démul­ti­pliés. Une jeune femme commence à racon­ter son histoire, senti­men­tale, poignante (Clémen­tine Allain, en apesan­teur), avec une foi dans l’hu­ma­nité qui vous ferait tomber en amour ad vitam en sortant. Premier vertige : on comprend peu à peu que cette jeune femme raconte l’his­toire d’un couple plus âgé, accom­pli, revenu de tout.

Deuxième vertige : on respire avec elle, on a la gorge nouée en même temps qu’elle, comme si notre meilleur(e) ami(e) nous racon­tait l’his­toire de sa vie. C’est le miracle du metteur en scène, Olivier Maurin : parve­nir à une direc­tion d’ac­teurs d’une déli­ca­tesse à travers laquelle le travail n’ap­pa­raît jamais. Comme s’il nous donnait l’illu­sion de jouer à la place des acteurs.

Mickaël Pinelli au banquet d’Illu­sions (au fond, Arthur Four­cade).

Allez-y en courant et sans dormir

Après En courant, dormez !, spec­tacle en état de grâce d’Oriza Hirata donné à l’Ely­sée puis au TNP, Olivier Maurin renou­velle l’ex­ploit ici avec la parti­tion sinueuse d’un écri­vain russe contem­po­rain qu’on a vu éclore sur les scènes de théâtre depuis, Ivan Viri­paev. C’est le troi­sième vertige : écrit comme un jeu de couples homme-femme, le texte se déploie en mono­logues enla­cés, évitant presque tout dialogue, compo­sant une mélo­die pour quatre voix dans laquelle chaque comé­dien(ne) se dédouble pour racon­ter un amour de couple par la fin. C’est simple comme « bonjour  », le mot qui commence la pièce : quatre jeunes comé­diens viennent nous racon­ter des histoires, jouant en perma­nence des fausses pistes du « véri­table amour », alors qu’il s’adressent à nous un à un avec la force du témoi­gnage.

Chaque acteur garde sa nature (Arthur Four­cade, Fanny Chiressi, Mickaël Pinelli prennent la suite). La puis­sance des senti­ments est telle que le spec­tacle évite en perma­nence l’écueil de l’exer­cice de style. On sourit, cueilli par l’hu­mour planqué au coin d’une phrase, comme on vibre à ce château de cartes des illu­sions qui tombent une à une jusqu’à ce que mise à nu s’en­suive. « Une petite pause s’im­pose », comme le répète l’au­teur dans un rythme savam­ment orches­tré . Un simple Iphone de bran­ché sur une baffle, et Olivier Maurin en profite pour passer une version démente et raris­sime de My Way par Nina Simone (pour les amateurs, la version du 18 décembre 1971 sur le plateau de l’émis­sion A la manière deux sur Antenne 2, inédite au disque, lien ci-dessous). C’est tout lui : faire du théâtre à sa façon, inédit, vivant, habité, le plus simple­ment du monde, mais avec un talent et une foi qui ne doivent rien à personne. Ces Illu­sions en plein cœur nous touchent toujours autant plusieurs année après. A votre tour d’être touchés.

Illu­sions d’Ivan Viri­paev. Mise en scène Olivier Maurin. Du mercredi 14 au samedi 17 juin à 19h30 au théâtre de l’Ely­sée, Lyon 7e. De 10 à 14 € (tarif au choix). Photos Jeanne Garraud.