Tokue, mamie de 76 ans sensible à la nature, postule dans un petit boui boui pour cuisiner des haricots rouges confits malgré ses mains abîmées. Elle finira par cuisiner les dorayakis du chef comme personne, sorte de pancakes japonais à base de « An » (titre original du film), une pâte qui respire. Résumé comme ça, on pourrait prendre le dernier film de Naomi Kawase pour une version new age de Top chef. Il n’en est rien.

Un conte familial dans les cerisiers en fleurs.

Si on retrouve sa façon unique de filmer la nature et sa conjugaison avec la vie urbaine dans des plans sublimes de cerisiers en fleur embrassant la ville, An (c’est le titre original) est aussi un de ces films de fiction les moins doloristes, basculant dans un mélo en état de grâce dont on ne dévoilera rien dans sa deuxième partie. L’ancrage documentaire et la vérité visuelle sont toujours là, mais les dialogues explicatifs et la grossièreté de certains de ses scénarios ont disparu, au profit d’un sentiment du temps en apesanteur et d’une direction d’acteurs (professionnels) de tous les instants.

Kyara Ushida dans Les Délices de Tokyo.

Kirin Kiki qui fait une apparition dans Notre petite sœur de Kore-Eda est ici une grand-mère inoubliable, et Masatoshi Nagase revenu du Mysterious Skin de Gregg Araki apporte ce qu’il faut de prestance et de déchirement pour donner une incarnation à ce beau mélo, tout en ellipses et retenues. La charge contre le saccage du profit au détriment du sens profond est d’autant plus crédible, et l’ancrage dans une certaine réalité historique du Japon qu’on ne dévoilera pas finit d’en faire un des plus beaux films de sa réalisatrice, sorte de mélodrame zen en état de grâce. »Tout ce qui existe en ce monde possède son propre langage. Nous sommes nés pour regarder et écouter ce monde. Même sans réussir dans la vie, nous pouvons trouver un sens à notre existence. » Hymne à la sensibilité des âmes faibles et des déclassés, c’est sans doute un des plus beaux films de sa réalisatrice.

La bande annonce du film à sa sortie en 2015.

Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase (Jap, 1 h 53) avec Kirin Kiki, Masatoshi Nagase, Kyara Uchida… A voir gratuitement sur le Replay d’Arte.

L’inoubliable Krini Kiki dans Les Délices de Tokyo.

PS : A noter Voyage à Ushino de Naomi Kawase avec Juliette Binoche est aussi disponible sur Arte, la meilleure plateforme du cinéma chez soi.