Après Grâce à Dieu, sorti l’an­née dernière et tourné à Lyon, François Ozon adapte le roman d’Ai­dan Cham­bers, Dance on my grave (La Danse du coucou en français). Une romance adoles­cente entre deux garçons qui balance entre conte d’été et polar.  

D’où vous est venue l’en­vie d’adap­ter le roman d’Ai­dan Cham­bers?

François Ozon: “Après Grâce à Dieu, qui a été un film un peu compliqué, j’ai eu besoin de quelque chose de plus léger et je suis retombé sur ce bouquin que j’avais lu à 17 ans. En le reli­sant, je me suis aperçu qu’a­vec le temps j’avais occulté beau­coup d’élé­ments de cette histoire. Je me souve­nais de l’his­toire d’amour, mais j’avais oublié le contexte social, fami­lial, la réflexion sur l’écri­tu­re… Il y a aussi une multi­pli­ca­tion de tons et de registres dans le roman, qui passe par le  polar comme par la bluette adoles­cente, et qui corres­pond à ce que j’aime habi­tuel­le­ment faire dans mes films. Trente-cinq ans plus tard, il était donc temps de me lancer dans une adap­ta­tion. J’en ai parlé à Aidan Cham­bers qui m’a appris que trois réali­sa­teurs avaient déjà tenté d’adap­ter Dance on my grave sans jamais y arri­ver.

François Ozon sur le tour­nage d’Eté 85, au milieu de ses inter­prètes prin­ci­paux.

De votre court métrage Une Robe d’été à Une Nouvelle Amie en passant par Dans la Maison ou Sous le sable, on retrouve dans Été 85 beau­coup de clins d’oeil à vos films précé­dents…

En reli­sant le livre, j’ai réalisé que j’avais déjà exploré beau­coup de ses motifs dans d’autres de mes films. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que ce roman avait vrai­ment infusé en moi de manière plus ou moins consciente. Par exemple, pour la scène de la morgue, on avait du mal à trou­ver le décor idéal et tout d’un coup je me suis souvenu d’une scène de morgue que j’avais tourné dans Sous le sable. On a décidé de tour­ner au même endroit, ce qui était assez amusant de se retrou­ver là presque 20 ans plus tard. 

« Le film est à la fois une adap­ta­tion du roman d’Ai­dan Cham­bers et de ma propre adoles­cence »

Après avoir inter­prété une des victimes du père Prey­nat dans Grâce à Dieu, on retrouve aussi Melvil Poupaud, cette fois-ci dans un rôle complè­te­ment oppo­sé… 

C’était égale­ment un clin d’oeil à Grâce à dieu de le faire jouer un prof un peu ambigu avec ses élèves. On s’est amusé à faire plusieurs versions d’es­sais, pour au final garder une inter­pré­ta­tion assez sobre.

Vous avez choisi de situer le fil dans les années 80. Est-ce un moyen de faire écho à votre propre adoles­cence?

Le livre est sorti en 1981, je l’ai lu en 1985, à 17 ans. Bien évidem­ment les années 80 repré­sentent mon adoles­cence. Le film est à la fois une adap­ta­tion du roman d’Ai­dan Cham­bers et de ma propre adoles­cence. On met une part de soi dans tout film, mais quelle est la part de réalité? Été 85 parle aussi du pouvoir de la fiction, de réin­ven­ter une histoire qu’on a vécu puisque tout le film est raconté du point de vue d’Alex. Peut-être qu’il a revi­sité ou idéa­lisé certaines scènes et le cinéma, c’est aussi ce travail.

Comment avez-vous travaillé pour recréer l’at­mo­sphère des années 80? 

J’ai d’abord décidé de tour­ner en pelli­cule, comme je l’avais fait pour Frantz ou Potiche, car je trouve qu’elle est plus adap­tée aux films d’époque. Le grain de l’image est très beau, plus doux, et donne un aspect très sensuel aux peaux à l’in­verse du côté clinique du numé­rique. La pelli­cule nous ramène de fait dans le passé, elle apporte même un peu de flou. Au début on avait un peu peur avec le chef opéra­teur, car tous les plans larges nous parais­saient plus flous! Ensuite la musique joue aussi un rôle impor­tant. Pour la bande origi­nale, je cher­chais quelqu’un qui fasse un son qui sonne très années 80. Je suis alors tombé sur une inter­view de Jean-Benoît Dunckel (membre du duo Air, ndlr) à qui on deman­dait quel était le tube de son enfance. Il a répondu Star de la pub, une chan­son impro­bable qu’on retrouve dans le passage de la boîte de nuit. J’ai eu un flash et je me suis souvenu de ce tube que j’écou­tais aussi ado. J’ai donc décidé de le contac­ter. 

On entend aussi In between days des Cure. Il paraît que vous avez dû chan­ger le titre de votre film à cause de Robert Smith…

Au début le film s’ap­pe­lait Été 84, qui était l’an­née de mes 16 ans, et je trou­vais ça plus sexy, ça sonnait plus rond en plus d’être une allu­sion à Été 42 de Robert Mulli­gan. Au moment du montage, c’était évident pour moi qu’on allait utili­ser ce morceau de The Cure. On a demandé la permis­sion à Robert Smith qui a nous répondu que c’était impos­sible car le morceau était sorti en 1985. Je lui ai alors écrit une lettre pour lui dire que j’étais fan depuis toujours et que j’étais prêt à chan­ger le titre du film s’il accep­tait de nous le vendre, ce qu’il a fait. 

1985, c’est aussi le début du sida… Pour­tant ici, le sujet n’est pas l’ho­mo­sexua­lité. Vous aviez envie de faire un film plus léger?

Si le livre m’a plu à l’époque, c’est parce qu’il ne problé­ma­ti­sait pas l’ho­mo­sexua­lité. C’est une histoire univer­selle sur l’éveil à l’amour, qu’elle parle d’un couple homo­sexuel ou hété­ro­sexuel ne change rien. Il y avait quelque chose de très pur dans ce récit que j’ai tenu à garder.” 

Été 85 de François Ozon (France, 1h40). Avec Félix Lefebvre, Benja­min Voisin, Philip­pine Velge, Melvil Poupaud… Sortie le 14 juillet.

Avant-premières au cinéma Lumière Terreaux jeudi 9 juillet à 20h30 et 20h45, et à l’UGC Asto­ria dimanche 13 juillet.