Pour raconter ce fait divers qui a défrayé la chronique en Tunisie dans les années 2010, Kaouther Ben Hani – sélectionnée à Cannes en compétition officielle – adopte une approche cinématographique surprenante. Elle se met elle-même en scène en train de réaliser le documentaire, et alterne entre making off en coulisse et résultat final pour obtenir un mélange de réalité et fiction totalement déconcertant.
Olfa, la mère, partage l’écran avec sa doublure cinématographique l’actrice Hend Sabri, tandis que ses deux filles cadettes Eya et Tayssir témoignent de leur vécu et jouent leur propre rôle. A leurs côtés, deux actrices professionnelles interprètent Rahma et Ghofrane, les deux ainées disparues « dévorées par le loup« . On comprendra dans la dernière partie du film que les jeunes femmes sont en réalité parties en Libye pour rejoindre Daech.
Deux générations de femmes
Plus qu’un simple portrait de famille, le film permet à la cinéaste de confronter deux générations de femmes tunisiennes et d’aborder des problématiques culturelles et sociales inhérentes au monde arabo-musulman. D’un côté il y a Olfa, une femme battue et mariée de force qui a dû élever seule ses quatre filles. Malgré sa volonté inébranlable, cette femme de ménage n’a jamais vraiment réussi à s’émanciper du modèle de violence patriarcale intrinsèque à son environnement.
De l’autre il y a Eya et Tayssir, ses filles cadettes rebelles, pleines de vie et bien déterminées à briser ce cycle d’oppression qui se transmet inexorablement de mère en filles. Ce voyage intime entre documentaire et fiction offre également une réflexion fascinante sur la capacité du cinéma à influencer la réalité. Dans un élan presque thérapeutique, on observe cette famille revisiter les moments douloureux se son passé pour essayer de comprendre et mieux commencer à se reconstruire. Bouleversant.
Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hani (Tun-Fr, 1h50)a avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Eya Chikahoui… Sortie le 5 juillet.
