La grande époque londonienne de l’opéra italien était celle de toutes les rivalités : celle entre théâtres et compagnies, ou celle entre divas dont les Rival Queens les plus célèbres étaient la Faustina et la Cuzzoni, championnes du crêpage de chignon sur scène, dans des anecdotes restées célèbres. Les hommes – enfin les castrats – ne faisaient pas exception, objets de contrats en or comme les stars d’aujourd’hui, à l’origine de la plupart des productions. Maître de l’opéra baroque italien à Londres pendant trois décennies, Haendel n’aura pourtant jamais travaillé avec Farinelli, la star de son temps, préférant toujours le théâtre des sentiments à la virtuosité gratuite des feux d’artifice vocaux, ouvrant la voie de l’opéra moderne en commençant d’imposer la volonté du compositeur sur les chanteurs, et la prédominance du drame musical sur la distribution.

Chers infidèles
Alors que Haendel s’apprêtait à diriger avec un peu de retard son nouvel opéra, Arianna in Creta – aujourd’hui à peu près oublié – Porpora recruta à grands frais Farinelli pour monter sa propre Arianna, quelques semaines avant lui, dans un théâtre concurrent… Un vrai mercato, digne du football d’aujourd’hui. Qu’à cela ne tienne, Haendel s’apprêtait à être recruté à Covent Garden pour y composer deux de ses chefs-d’œuvre, Ariodante et Alcina, avec un castrat à la voix aussi virtuose que délicate, Giovanni Carestini… et parmi les plus beaux airs du répertoire baroque, comme Scherza infida ou Doppo notte. Avec l’intelligence de répertoire qui le caractérise, c’est donc à Farinelli contre Carestini que Philippe Jaroussky consacre son nouveau récital avec le Concert de la Loge, après avoir consacré successivement un disque à l’un et à l’autre. L’occasion rêvée d’entendre les plus beaux airs lyriques du XVIIIe siècle dans le miroir de deux styles rivaux, par un grand bel cantiste d’aujourdhui. Immanquable.

Récital Philippe Jaroussky, Haendel, Porpora, de Farinelli à Carestini. Direction musicale Julien Chauvin avec le Concert de la Loge. Jeudi 18 novembre à 20h à la Chapelle de la Trinité dans le cadre des Grands Concerts, Lyon 2e. De 35 à 75 €.