Ce n’est pas banal, une expo­si­tion dans une salle de théâtre. Salle Jean Bouise, au TNP, dans laquelle l’ar­tiste Jacques Grison, vous attend tous les jours (de repré­sen­ta­tion), sur place, si vous voulez lui parler. Et il est passion­nant. Car la puis­sance de sa photo­gra­phie – exclu­si­ve­ment en noir et blanc – prend préci­sé­ment lieu là où la parole a manqué.

Dans la terre de Verdun où il décou­vrait des restes encore petit, en voyant ses deux grands pères qui ouvrent en deux petits portraits l’ex­po­si­tion, en reve­nir. Ou dans les asiles dans lesquels il a commencé à travailler jadis comme éduca­teur spécia­lisé, avant de croi­ser la route de Jean Bello­rini à Saint-Denis, qui l’in­vite aujourd’­hui au TNP à commé­mo­rer son travail sur plus de 40 ans en 40 photo­gra­phies, magni­fique­ment tirées sur du papier japo­nais Kozo en fibre de mûrier, qui leur donne une présence presque solaire.

Car si Jacques Grison traite des lieux dispa­rus, des morts ou de ceux que la société a traité presque comme tels (en les parquant à part et dont on retrouve miroirs ou balu­chons des seuls vête­ments qu’ils leur restaient au cours de l’ex­po­si­tion), c’est bien pour oppo­ser la puis­sance et l’hu­ma­nité de la photo­gra­phie là où des trouées d’in­hu­ma­nité avaient effa­cer toute trace.

C’est ce qui rend ce travail de mémoire photo­gra­phique – au plein sens du mot, du temps comme de l’es­pace – passion­nant, se refer­mant sur le visage souriant et trouble d’une petite fille fragile dans le métro de Berlin qui, elle aussi, voulait exis­ter sur la photo. Voilà qui est chose faite.

Jacques Grison au travail. Le livre Les Cris durent (éditions Loco) qui accom­pagne l’ex­po­si­tion est dispo­nible à la librai­rie du TNP.