On imagine l’homme au regard d’aigle, une lanterne à la main, hanter les couloirs de l’immense demeure de la place Kléber. Il psalmodie de façon lancinante : « ah ah ah ah ah, la retraite à 64 ans . Oh, oh, oh…». A 83 ans, Pierre Orsi vient de clore les rideaux rose Barbara Cartland de son restaurant gastronomique.

Mais plutôt que de s’abonner à l’édition « spécial jeux » de la revue Notre temps, il poursuit l’aventure – démarrée sous René Coty, en 1956, chez Bocuse – dans son autre restaurant, Le Cazenove. Cette adresse chic, à l’ombre de « Chez Orsi » a vécu ses heures de gloire dans les années 80. L’adresse est devenue confidentielle, un nid d’habitués.

Et c’est dommage, car des restaurants gastronomiques bourgeois comme cela, on n’en croise plus guère que dans les films de Claude Chabrol (comme La Fille coupée en deux, tournée à Lyon, chez Le Bec…).

Les ravioles de foie gras truffé, « le » plat de Chez Orsi

Les fameuses ravioles de foie gras au jus de porto et aux truffes, « le » plat de Pierre Orsi, magnifiques de profondeur, faites pour l’introspection, est à la carte des « Trésors du Cazenove ». La maison de la place Kléber fut occupée à la fin du XVIIIe siècle par le mage Joseph Balsamo, comte de Cagliostro, qui affirmait détenir un élixir de Jouvence.

Aurait-il pris le nom d’Orsi par la suite , tout en attribuant cette longévité à l’Institut Vendôme ? Cette jouvence a touché certains plats. Pas de rabot, un coup de plumeau pas plus, comme l’accompagnement du cabillaud : carottes et fruit de la passion, des ravioles au homard réveillées par des agrumes ou un amuse-bouche en forme de bouillon de petits pois légèrement pimenté.

Pierre Orsi, un moderne devenu classique

Pierre Orsi fut un chef moderne avant de devenir un classique. En matière de produits de la mer et d’huile d’olive, il a été précurseur dans un Lyon de beurre et de crème. On a le souvenir récent de belles noix de Saint-Jacques plus grosses que de beaux chamallows/ chanterelles au beurre craquantes et poivrées.

Cette fois, notre bar de ligne (petits légumes en mirepoix et vinaigrette pleins de vivacité) présentait à la fois une peau croustillante et une chair tendre, comme cette côte de veau totalement émue par son bon jus et ses morilles.

Outre cette cuisine précise, mais généreuse (9 escargots en cassolette, une demi plaquette de beurre, objectif sieste), on apprécie le décor Belle époque par essence surchargé (belles statuettes en bronze), la moquette trop vieille Angleterre et les idéales banquettes rondes. On n’oublie pas le service élégant et discret du maître d’hôtel et sommelier Patrick Desmurs, l’âme du lieu depuis plus de trente ans. On adore.

Le Cazenove de Pierre Orsi. 75 rue Boileau, Lyon 6e. 04 78 89 82 92. Fermé samedi et dimanche. Menu carte : 52 euros (amuse-bouche, entrée plat, fromage, mignardises, dessert). A la carte : ravioles de foie gras de canard jus de porto et truffes (45 euros), homard acadien en carapace (78 euros), pigeonneau en cocotte (45 euros), escargots de Bourgogne (25 euros)…

Photos : Susie Waroude / Exit Mag.