Sur le papier, c’était bancal. On pouvait s’at­tendre à un énième triangle amou­reux sur le thème « deux garçons, une fille, trois possi­bi­li­tés« … Il n’en sera rien. Ce maître en circu­la­tion du désir qu’est devenu Guada­gnino (Amore, Call me by your name) livre un exer­cice de style majes­tueux, profond, intense, toujours ambigu et véné­neux et fait une nouvelle fois montre de toute son inven­ti­vité sensuelle.

Mike Faist et Zendaya dans Chal­len­gers de Luca Guada­gnino.

Zendaya attire les deux amis comme des aimants

Car la piste homo­sexuelle est inci­dem­ment écar­tée le temps d’un flash­back inof­fen­sif au sauna. Chal­len­gers est avant tout une ode à la beauté de Zendaya dans son premier grand rôle sensuel et intime. Elle attire dans un premier temps ses deux amants comme des aimants, sur son lit, pour un baiser à trois. Mais les prive aussi­tôt, en femme mani­pu­la­trice qui veut rester maîtresse du jeu.

Gambettes divines sous la jupette de tennis ou la robe de soirée bleu nuit, déesse hautaine des hôtels de luxe, elle aura aussi sa part de vulné­ra­bi­lité et de bles­sure, jusqu’à dévoi­ler ses failles. Deve­nue entraî­neuse d’un de ses deux anciens amants qui aura – en appa­rence – gagner la bataille du coeur, son égocen­trisme insen­sible finira par se fissu­rer. Un grand rôle, complet, sous ses airs de moue insai­sis­sable.

Chal­len­gers, l’am­bi­guïté selon Luca Guada­gnino

C’est toute l’ori­gi­na­lité de ce génial exer­cice de style : construit en multiples flash­backs, il met en scène chaque situa­tion sensuelle à travers le secret, le mensonge ou la frus­tra­tion de l’autre, jusqu’au manque et à la tendresse. Le tennis, filmé avec la même maes­tria sous toutes les coutures des courts, n’est qu’une méta­phore en actes de la gagne, de la riva­lité et de la faiblesse des états d’âme sous la beauté des corps.

Mike Faist et Josh O’Con­nor, deux garçons mais trois possi­bi­li­tés…

Au-delà de l’écri­ture des person­nages à diffé­rentes époques, tous plus ambi­gus et fluides les uns avec les autres, la caméra de Guada­gnino est super­be­ment inven­tive. Ralen­tis, zoom sur les gouttes de sueurs pour renfor­cer l’éro­tisme, balles qui fusent face caméra ou vision subjec­tive pour la balle de match, la sensua­lité immer­sive fonc­tionne à plein. Flam­boyant, Luca Guada­gnino reste un maître de l’am­bi­guïté. Il n’aura filmé l’at­ti­rance des corps spor­tifs qu’à travers le fantasme, la frus­tra­tion et la mani­pu­la­tion. Superbe.

Chal­len­gers de Lucas Guada­gnino (EU, 2h11) avec Zendaya, Josh O’Con­nor, Mike Faist… Sortie le 24 avril.